Un expert comptable en partie responsable du non paiement d'une cession de titres

CA Paris 30-11-2017 n° 16/22687

Un expert-comptable chargé de rédiger un acte de cession de titres consentie à crédit a engagé sa responsabilité à l'égard des cédants pour n'avoir pas proposé d'assortir la cession d'une garantie de paiement du prix ni même d'un terme pour ce paiement.

Après avoir transmis par donation à ses enfants la participation majoritaire qu'il détenait dans une société anonyme (SA), son PDG organise avec un expert-comptable la cession de cette société à un tiers. A cet effet, il constitue avec le tiers une société holding détenue à parts égales avec celui-ci, aux termes d'un acte établi par l'expert-comptable à la demande du PDG. Quelques mois plus tard, l'expert-comptable rédige un acte par lequel les enfants cèdent leurs actions dans la SA à la holding en lui consentant un crédit (crédit-vendeur) sur une part importante du prix de cession (environ 400 000 € sur près de 650 000 €). Le crédit-vendeur n'ayant été pas réglé et la holding ayant été mise en liquidation judiciaire, les cédants agissent en responsabilité contre l'expert pour manquement à son obligation de conseil.

La cour d'appel de Paris accueille leur action car l'expert ne leur a pas proposé d'assortir la cession d'une garantie de paiement du prix ni même d'un terme pour ce paiement. En effet, l'acte établi par l'expert ne fixait aucun terme et n'envisageait pas la mise en place de sûretés personnelles ou réelles (nantissement, cautionnement, garantie à première demande) pour garantir le règlement du crédit-vendeur, exposant ainsi les cédants à un risque de défaillance de la holding, caractérisée en l'espèce par sa mise en liquidation judiciaire. L'expert-comptable n'apportait pas la preuve d'avoir informé les cédants du risque de défaillance que leur faisait courir cette absence de garantie et ce manquement était à l'origine de l'impossibilité pour les cédants de récupérer le solde du prix de cession. Le préjudice des cédants s'analyse en une perte de chance de percevoir le solde du prix, chance que la cour évalue à 30 % car le PDG n'a pas tenu compte du conseil de l'expert lui recommandant de rester majoritaire au sein de la holding pour s'assurer du paiement du solde du prix ; en outre, les cédants n'étaient pas certains d'obtenir une garantie de paiement. La cour condamne donc l'expert à les indemniser à hauteur de 30 % des sommes leur restant dues.

à noter : L'expert-comptable qui accepte, dans le cadre de ses activités juridiques accessoires, d'établir un acte pour le compte d'un client est tenu, en sa qualité de rédacteur (et même si, comme en l'espèce, aucune lettre de mission n'est établie entre lui et son client), d'informer et d'éclairer de manière complète toutes les parties à l'acte sur les effets, les implications et les risques que celui-ci comporte ainsi que sur la portée de l'opération projetée. A par exemple engagé sa responsabilité à l'égard d'un acquéreur de titres un expert-comptable qui ne l'a pas alerté sur la nécessité d'exiger des garanties, en l'absence de comptes récents lui permettant d'apprécier le passif de la société (CA Versailles 2-2-2017 n° 05/1149 : RJDA 3/08 n° 280). Il en est de même d'un expert-comptable dont la carence a conduit un acquéreur à accepter un prix de cession exagéré sans disposer de recours contre le cédant (Cass. com. 2-5-2017 n° 05-21.295 F-D : RJDA 4/08 n° 420). Dans l'affaire ci-dessus, c'est à l'égard des cédants, et non de l'acquéreur, que l'expert-comptable avait engagé sa responsabilité pour manquement à son obligation de conseil.