L’UEFA, hors-jeu ?

La Belgique va-t-elle être à l’initiative d’un nouvel arrêt Bosman ?

La question mérite d’être posée au regard du litige opposant l’UEFA au Royal Antwerp Football Club.

La cour de Justice de l’Union Européenne a publié le 9 mars un communiqué afin de rendre public les conclusions de l’avocat général, Me Maciej Szpunar dans cette affaire.

Rappelons que l’UEFA depuis la saison 2008-2009 impose aux clubs d’inscrire sur la liste des joueurs autorisés à participer aux compétitions européennes, au minimum huit « joueurs formés localement », pendant au moins trois ans, entre l’âge de 15 et 21 ans.

Sur ces huit joueurs, indépendamment de leurs nationalités, au moins quatre doivent avoir été formés directement par le club concerné, les quatre autres joueurs pouvant avoir été formé par un autre club appartenant à la même ligue nationale.

Pour l'Antwerp FC, ces règles sont tout simplement contraires à la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union.

Le club belge estime en effet que ces règles empêchent un club professionnel de recruter, d’aligner des joueurs ne répondant pas à l’exigence de racines locales ou nationales et réduisent les chances de certains joueurs d’être recrutés et alignés lors d’un match.

Cela rappelle les prémisses de l’affaire qui a abouti à l’arrêt Bosman du 15.12.1995 rendu par la CJCE et qui fut à l’origine des bouleversements du système de transfert des joueurs européens.

Le litige actuel porte sur la définition de la notion de « joueurs formés localement ».

La notion de “joueur formé localement” ne devrait pas inclure des joueurs provenant d'autres clubs de la même ligue nationale, considère l'avocat général.

« Selon l’avocat général Szpunar, les règles de l’UEFA relatives aux joueurs formés localement sont partiellement incompatibles avec le droit de l’Union. Les systèmes dans lesquels les joueurs formés localement comprennent non seulement ceux qui ont été formés par le club en cause, mais également ceux d’autres clubs de la même ligue nationale, sont incompatibles avec les règles en matière de libre circulation. »

Après avoir pris soin de rappeler les règles applicables depuis l’arrêt Bosman à savoir « que les activités sportives qui font partie de la vie économique relèvent du champ d’application des libertés fondamentales garanties par le traité », il a néanmoins exprimé que « les règles relatives aux joueurs formés localement sont susceptibles de créer une discrimination indirecte à l’encontre des ressortissants d’autres États membres. En effet, le fait est que, plus un joueur est jeune, plus il est probable que ce joueur réside dans son lieu d’origine. Ce sont donc nécessairement les joueurs d’autres États membres qui seront affectés négativement par les règles litigieuses. Bien que neutres quant à leur libellé, les dispositions litigieuses favorisent les joueurs locaux par rapport aux joueurs d’autres États membres. »

Si le recrutement et la formation de jeunes joueurs sont des préoccupations bien légitimes, l’avocat général a ainsi fait part de ses doutes quant à la définition d'un joueur formé localement.

Les systèmes dans lesquels les joueurs locaux comprennent non seulement ceux formés par le club en question, mais aussi ceux d'autres clubs de la même ligue nationale, ne sont pas compatibles avec les règles de libre circulation”.

Les dispositions contestées ne sont pas cohérentes et ne permettent donc pas d'atteindre l'objectif de formation des jeunes joueurs : les joueurs formés dans le pays ne devraient pas inclure les joueurs provenant d'autres clubs que le club en question”.

Le raisonnement est limpide.

Il est renforcé par le constat actuel selon lequel un club majeur d’un championnat important peut faire signer sur un total de huit joueurs, jusqu’à quatre jeunes joueurs formés dans un autre club du même championnat. L’objectif visant alors à inciter le club majeur à former en son sein des jeunes joueurs n’est donc pas atteint.

Dès lors, l’avocat général « ne voit pas la raison d’étendre, sous l’angle de la formation, la définition d’un joueur formé localement à des joueurs extérieurs à un club donné, mais faisant partie de la ligue nationale concernée ».

Si les conclusions de l’avocat général ne lient pas la Cour de justice, les juges suivent cependant quatre recommandations sur cinq.

Ils doivent se prononcer dans les mois à venir.

La décision est impatiemment attendue par tous les acteurs du monde sportif européen.

Olivier COSTA Avocat Associé