Retransmissions télévisées : le Tribunal de l’Union européenne tacle la FIFA et l’UEFA

Résumé :

Le match est lancé ! Le Tribunal de l’Union Européenne, aux termes de trois arrêts rendus le 17 février 2011, a mis hors jeu la FIFA et l’UEFA en modifiant les lignes bordant le terrain des droits de retransmission télévisuelle. Si les supporters belges et britanniques savourent le but marqué par le Tribunal au profit du droit à l’information, la FIFA et l’UEFA estiment qu’il résulte d’une véritable erreur d’arbitrage au détriment de leurs droits d’organisateurs. Le résultat de ce match sera déterminant pour l’ensemble du football mondial.

Article :

Par trois arrêts en date du 17 février 2011, le Tribunal de l’Union Européenne a rejeté les recours formés par la FIFA et l’UEFA à l’encontre des décisions de la Commission Européenne validant le choix de la Belgique et du Royaume Uni d’inscrire la Coupe du Monde de Football et le Championnat d’Europe des Nations sur la liste dite « des évènements majeurs » ce qui permet à ces Etats membres de diffuser ces compétitions gratuitement et en clair. Dorénavant aucune exclusivité ne pourra être attribuée pour la diffusion à des services de télévision payants.

A l’origine de cette affaire, il y a la directive dite « Télévision Sans Frontières » n° 89/552 CEE, selon laquelle les Etats membres peuvent interdire toute forme d’exclusivité de radiodiffusion télévisuelle des événements qui représentent selon eux une importance majeure pour leur Société, puisque cette exclusivité priverait une grande part du public de la possibilité de suivre gratuitement la retransmission de ces évènements.

Par dérogation aux principes communautaires de libre prestation de services, de libre concurrence et de liberté d’établissement, cette directive autorise des restrictions fondées sur le droit à l’information des citoyens des Etats membres, ce motif d’intérêt public permettant alors l’accessibilité de ces programmes en clair.

En application de cette directive la Belgique a déposé auprès de la Commission une liste sur laquelle figure tous les matchs de la phase finale de la Coupe du Monde, et le Royaume-Uni, tous les matchs de la phase finale de la Coupe du Monde et du Championnat d’Europe.

La Commission Européenne a validé le contenu de ces listes en 2007 et les a déclarées conformes au droit de l’Union.

Les instances organisatrices de ces manifestations (la FIFA pour la Coupe du Monde et l’UEFA pour l’Euro) ont réagi et sollicité auprès du Tribunal de l’Union Européenne l’annulation des décisions de la Commission en contestant le fait que tous ces matchs puissent constituer des événements d'importance majeure pour le public de ces États, souhaitant que seulement certains matchs puissent être placés sur cette liste.

Pour faire face aux arguments développés par ces instances, et rejeter leurs recours, le Tribunal de l’Union Européenne dans ses décisions du 17 février 2011 a relevé que ces compétitions ne pouvaient être considérées comme des successions d’évènements individuels divisés en match d’inégale importance pour le public comme cela a pu être le cas auparavant. En effet la juridiction réfute l’argument selon lequel il convient de distinguer entre les matchs dits « prime » ou de « gala » (comprenant le match d’ouverture, les demi-finales et la finale, ainsi que les matchs de l’équipe nationale de l’Etat membre) et les autres matchs considérés comme de moindre importance.

Partant du constat que d’une part, ces compétitions ont connu au cours des dernières éditions un engouement majeur auprès de l’ensemble du public des Etats membres, et ce, quelque soit le parcours et la réussite de leurs équipes nationales, et d’autre part qu’il est impossible au moment du dépôt des listes ou de la vente des droits de retransmission, de savoir quels matchs seront décisifs pour les étapes ultérieures de ces compétitions ou qui auront un impact sur le sort d'une équipe nationale donnée, le Tribunal a rejeté les recours de la FIFA et de l’UEFA.

Il convient donc à présent de considérer que l’ensemble des matchs de la compétition sont d’importance majeurs, et doivent à ce titre faire l’objet d’une diffusion gratuite.

Le Tribunal constate par ailleurs que, si la qualification de la Coupe du monde et de l’EURO en tant qu’événement d’importance majeure peut affecter le prix que la FIFA et l’UEFA obtiendront pour l’octroi des droits de transmission de ces compétitions, elle n’annihile pas la valeur commerciale de ces droits puisqu’elle n’oblige pas ces deux organisations à les céder à n’importe quelles conditions. En outre, le Tribunal se fondant sur la directive « TSF » justifie sa décision au regard de la protection du droit à l’information, veillant ainsi à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées des évènements d’importance majeure pour la Société.

Si les supporters des payes concernés peuvent se réjouir, la FIFA et l’UEFA en leur qualité d’organisateurs sont bien plus critiques. Les arrêts rendus affectent l’appréhension des droits de retransmission puisque selon le raisonnement adopté par le Tribunal, il ne sera plus nécessaire de payer ce qui est en libre accès.

Or, la vente des droits de retransmission de ces compétitions représente une manne financière considérable pour la FIFA et l’UEFA qui en tirent leurs principaux revenus. C’est ainsi tout le financement de la FIFA et de l’UEFA qui serait remis en cause en cas de confirmation des arrêts rendus par le Tribunal. L’enjeu est donc majeur.

La tentation est désormais grande pour les diffuseurs de voir leur pays qualifier certains événements comme étant d’importance majeure pour en assurer une libre retransmission intégrale au titre du droit à l’information.

Les arrêts rendus ne concernent que la Belgique et le Royaume-Uni mais leur portée va bien au delà.

Ces solutions seront-elles appliquées à d’autres pays ? Rappelons pour mémoire qu’en France ne sont considérés comme événement d’importance majeure que les matchs d’ouverture, demi-finales et finale des compétitions européenne et mondiale. Ces solutions seront-elles appliquées à d’autres manifestations sportives ? La Champions League vient alors immanquablement à l’esprit.

C’est ainsi tout le modèle économique du football mondial qui est concerné par ces arrêts rendus. La suite de la partie s’annonce passionnante.