La définition pénale de la manifestation

A propos de l’arrêt Cass. crim., 9 févr. 2016, n° 14-82.234

La notion de manifestation n’est pas juridiquement définie et seuls les articles L 211-1 du code de la sécurité intérieure et 431-9 du code pénal sanctionnent le fait d’organiser une manifestation sur la voie publique sans déclaration préalable.

Dans un arrêt du 9 février dernier, la chambre criminelle de la Cour de cassation a eu l’occasion de donner une définition de la manifestation.

En effet, un secrétaire général de l’union départementale CGT du Rhône avait organisé la distribution de tracts sur la réforme des retraites au péage de l’autoroute A6 et ce, par le biais par de petits groupes de personnes du syndicat.

Le secrétaire général a été poursuivi pour l’organisation de manifestation sans déclaration préalable mais a été relaxé en première instance et les juges d’appel ont confirmé cette position.

En effet, les juges d’appels ont indiqué que « la manifestation se définit comme un déplacement collectif organisé sur la voie publique aux fins de produire un effet politique par l'expression pacifique d'une opinion ou d'une revendication, cela à l'aide de chants, banderoles, bannières, slogans, et l'utilisation de moyens de sonorisation ».

Au regard de cette définition, les juges d’appel ont relevé que les militants ne disposaient pas de banderoles ni ne proféraient de discours et s’affairaient seulement « à distribuer des tracts aux usagers de l'autoroute ».

Ainsi, l’action des militants se limitait à la distribution de tracts et non à une manifestation nécessitant une déclaration préalable. Tel n’est pas l’avis du ministère public qui a formé un pourvoi en cassation.

En effet, le ministère public va soutenir que la Cour d’appel aurait rajouté des conditions à la définition de l’infraction, violant ainsi l’application des articles L 211-1 du code de la sécurité intérieure et 431-9 du code pénal.

A ce titre, la chambre criminelle va suivre le raisonnement du ministère public et casser la décision des premiers juges au motif que ces derniers ont rajouté « des conditions quant aux modalités matérielles d'expression des buts de la manifestation ».

Ainsi, la Cour va élargir la définition de la manifestation donnée par les juges du fond considérant que « constitue une manifestation, au sens et pour l'application de ces textes, tout rassemblement, statique ou mobile, sur la voie publique d'un groupe organisé de personnes aux fins d'exprimer collectivement et publiquement une opinion ou une volonté commune ».

Par conséquent, la Cour rejette l’ajout des conditions tenant au « chant, banderole, bannière, slogan et utilisation de moyens de sonorisation » aux fins de définir la notion de manifestation nécessitant une déclaration préalable.

Cette décision permet de disposer d’une définition de la notion de manifestation dont les éléments constitutifs ne dépendent pas de la forme de son expression.

Adoptant une position pragmatique, la Cour de cassation va permettre de prendre en compte des comportements même « passifs » à partir du moment où des personnes seront rassemblées pour exprimer une conviction ou une opinion.