Signature électronique : l’importance de l’identification du signataire

Cour d'appel de Toulouse - 2ème chambre - 14 février 2023 / n° 21/02297 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_TOULOUSE_2023-02-14_2102297#texte-integral

1.

Dans le cadre des pratiques contractuelles, d’aucuns constatent que la signature électronique est un acte banalisé, et notamment dans le domaine bancaire, mais aussi que le contentieux autour de celle-ci se développe.

Nonobstant le désordre dans le contentieux de la signature électronique était encore bien présent, certains tribunaux essayant de contourner les problématiques auxquelles ils sont confrontés sans pour autant être en mesure d’apporter une réponse claire.

Bonne nouvelle pour la sécurité juridique, la jurisprudence a su apporter récemment des précisions et élargir le champ à de nouvelles perspectives.

2.

La signature électronique est mentionnée pour la toute première fois le 13 mars 2000, au sein de la loi n°2000-230. Il faudra néanmoins attendre un arrêt de la Cour d’appel de Nancy en date du 14 février 2013 pour qu’une signature électronique soit reconnue comme recevable par les juges. A ce titre, la validité d’une signature électronique est conditionnée par les trois exigences prévues à l’article 1367, al. 1 du code civil : l’identification de l’auteur ; la manifestation du consentement à l’acte ; le lien entre l’acte et la signature.

Depuis lors, les juges ont tenté des approches nouvelles et différentes face à un litige relatif à une signature électronique.

Raison pour laquelle il est de bonne augure de lire une décision claire telle que celle de la Cour d’appel de Toulouse, objet du présent article.

Dans les faits une banque a assigné un particulier en remboursement d’un prêt qu’il aurait signé électroniquement. Le premier juge a débouté le prétendu client de ses demandes et condamné à payer une certaine somme à la banque.

En appel, il soutient qu’il n’a pas signé ledit contrat, ayant été victime d’une escroquerie et dénie sa signature. La banque, quant à elle, avance qu’elle a eu recours à une signature électronique qualifiée bénéficiant d’une présomption de fiabilité.

Elle verse donc aux débats copie de l’enveloppe électronique contenant le fichier de preuve, créé par la société DocuSign en sa qualité de prestataire de services de certification électronique, attestant de la signature électronique du document en ligne service par le signataire. Il est encore spécifié que le signataire s’est identifié en saisissant un code qui lui a été transmis par CA Consumer Finance qu’elle a parallèlement fourni au service Protect Sign qui a vérifié l’équivalence des codes saisis par l’utilisateur et transmis par la banque. L’adresse IP du signataire est aussi indiquée.

Or, ce n’était qu’une « enveloppe de preuve » contenant le fichier de preuve. En outre, malgré la sommation faite à la banque d’indiquer sur quel support et à quelle adresse électronique ou numéro de téléphone le code d’identification avait été envoyé, la banque n’a pas déféré à cette demande. Elle était donc défaillante à démontrer que la signature électronique invoquée est liée au client de manière univoque et permet de l’identifier. A défaut d’établir une identification certaine du client, la banque ne prouve pas qu’il est bien engagé et ce malgré la preuve du versement des fonds par la banque.

En effet, la cour précise que « l’existence d’un prêt suppose la démonstration du versement des fonds, mais aussi l’engagement de celui qui les reçoit à les rembourser ». Une seule des conditions étant remplie, le jugement est infirmé.

3.

Cette décision récente est intéressante, en ce qu’elle rappelle les trois conditions cumulatives permettant d’établir la force probante de la signature électronique, à savoir : identification du signataire, manifestation du consentement er fiabilité du procédé.

Dans cette décision la motivation des juges est particulièrement précise, et dénote de la sévérité des juges quant à l’appréciation du caractère de l’identification dans un souci de protection du potentiel signataire. L’identification du signataire doit être univoque.

Il s’agit d’une décision complète permettant de renforcer la jurisprudence antérieure, tout en faisant un rappel clair des conditions cumulatives pour établir la force probante de la signature électronique.

Sandra NICOLET