La naissance tant attendue du dossier médical partagé

Fraîchement publié, le décret n°2016-914 du 4 juillet 2016 donne enfin naissance au dossier médical partagé (DMP), anciennement appelé dossier médical personnel. Ce décret apporte des précisions essentielles quant à la mise en œuvre du DMP, initiée par l’article 96 de la loi de modernisation de notre système de santé de 2016.

Le présent décret instaure les modalités de création et de clôture du DMP, avec des dispositions primordiales en termes notamment du consentement du titulaire du dossier, mais aussi concernant les informations qu’il contient. Le texte s’attache par ailleurs à définir les conditions d’accès au dossier, de même que les différents droits alloués au titulaire du DMP.

Tout d’abord, le décret définit les objectifs du DMP à savoir « favoriser la prévention, la qualité, la continuité et la prise en charge coordonnée des soins des patients ». Il ne se substitue pas au dossier que tient chaque établissement ou professionnel de santé dans le cadre de la prise en charge d’un patient, mais au contraire vient s’ajouter et compléter ce dernier. En effet, le DMP est accessible par voie électronique, via un site internet ou des logiciels, ceci afin d’assurer une continuité et une cohérence dans la prise en charge des patients.

Le DMP peut être créé pour tout bénéficiaire de l’assurance maladie, dès lors que ce dernier a bien évidemment consenti de manière expresse et éclairée. Pour les titulaires qui sont des personnes mineures ou des personnes majeures faisant l’objet d’un régime de protection juridique, il faut se référer aux règles de droit civil et à celles déjà établies en droit médical pour le recueil du consentement. Concernant le droit à l’information, le présent décret souligne son importance en énonçant notamment son objet, comme les finalités du DMP, ou encore ses modalités de création et d’accès. La responsabilité du traitement de l’ensemble des DMP appartient à la CNAMTS.

Ensuite, le présent décret s’attarde sur le contenu même du DMP, énoncé avec une certaine précision. Ainsi le DMP contient premièrement, les données relatives au titulaire du dossier : - Les données relatives à son identité et à son identification - Les données relatives à la prévention, à l’état de santé et au suivi social et médico-social que les professionnels de santé estiment devoir être partagées afin de servir la coordination, la qualité et la continuité des soins, y compris en urgence, toutes versées le jour de l’acte ou du résultat - Les données consignées dans le dossier par le titulaire lui-même - Les données nécessaires à la coordination des soins issues des procédures de remboursement ou de prise en charge, détenues par les organismes d’assurance maladie - Les données relatives à la dispensation des médicaments, issues du dossier pharmaceutique - Les données relatives au don d’organes et de tissus - Les données relatives aux directives anticipées

Deuxièmement, le DMP contient les données relatives à ses représentants légaux, celles relatives à la personne de confiance, des proches du titulaire à prévenir en cas d’urgence, de son médecin traitant. Enfin troisièmement, le DMP doit contenir les données relatives au recueil des consentements pour la création et son accès, ainsi que la liste actualisée des professionnels de santé ayant été autorisés à accéder au DMP et ceux ont l’accès leur a été interdit par le titulaire. Toute action effectuée sur ce dossier doit être tracée et enregistrée.

Le titulaire du DMP dispose d’un droit d’accès à son dossier, directement ou par l’intermédiaire d’un professionnel de santé ou d’un hébergeur, sous la surveillance de la CNAMTS. En outre, le titulaire dispose d’un droit de rectification comme le prévoit la loi informatique et liberté, d’un droit de modification, d’un droit d’opposition, ainsi que d’un droit de donner accès ou non à un professionnel de santé s’il n’a pas déposé les informations concernées. Toutefois, une fois qu’il a consenti à la création du DMP, le titulaire patient ne peut pas s’opposer à ce que les professionnels de santé, qui le prennent en charge, y versent des informations qu’ils jugent utiles pour sa prise en charge.

Les professionnels de santé ont également accès au DMP mais ce uniquement après autorisation préalable du titulaire : - Si le professionnel de santé est un membre de l’équipe de soins, cette autorisation est délivrée dans les conditions d’échange d’informations au sein de l’équipe de soins ; donc réputée donnée à l’ensemble de l’équipe de soins dès lors que ces informations soient strictement nécessaires à la prise en charge du patient titulaire. - Si le professionnel de santé n’est pas un membre de l’équipe de soins, l’autorisation est donnée seulement après avis de la CNIL.

Le médecin traitant bénéficie d’un traitement particulier, puisque c’est le seul professionnel de santé qui dispose d’un droit d’accès à l’ensemble des informations contenues dans le DMP, même celles rendues inaccessibles par son titulaire ou par un autre professionnel de santé

Pour finir, il revient au titulaire de décider de la clôture du DMP, et ce à tout moment, soit directement, soit en formulant une demande à un professionnel de santé ou à un organisme d’assurance maladie. Le décès du patient titulaire est également une cause de clôture du DMP, celle-ci sera effectuée par la CNAMTS. Par la suite, le DMP est archivé et reste accessible par recours gracieux ou contentieux. Il ne sera détruit qu’à l’issue d’une période de dix ans à compter du dernier accès.

De cette manière nous constatons alors que le contenu du DMP est, pour partie, à l’entière appréciation des professionnels de santé qui interviennent dans la prise en charge du patient. En effet, ces derniers peuvent compléter le DMP dès lors qu’ils estiment les informations utiles. Or une telle estimation est entièrement subjective en fonction de chaque professionnel de santé. Le risque est d’aboutir à des DMP plus fournis que d’autres pour un état de santé équivalent.

En outre, lorsqu’un professionnel de santé considère qu’une information ne doit pas être connue du patient sans accompagnement, il a la possibilité de rendre cette information inaccessible de manière momentanée, jusqu’à une consultation d’annonce. Si, au-delà d’un délai de deux semaines, celle-ci n’a pas eu lieu, le patient est informé par tout moyen de la mise à jour de son DMP et est invité à consulter un professionnel de santé pour en prendre connaissance. Si la consultation d’annonce n’ pas lieu dans un délai d’un mois, ladite information sensible est automatiquement accessible. Cependant notons que le leitmotiv de l’instauration du DMP et de sa tenue est et demeure l’intérêt du patient. Bien que des risques d’abus ou des disparités soient possibles, la mise en œuvre de ce dossier dématérialisé permet d’assurer un suivi du patient dans une continuité et une qualité des soins.