La tolérance zéro envers les établissements de santé en matière d’infections nosocomiales

La loi du 4 mars 2002 a introduit à l’article L1142-1 du Code de la santé publique le régime de réparation du préjudice résultant d’une infection nosocomiale. Ce régime diffère selon le lieu où l’infection nosocomiale a été contractée.

Lorsqu’un patient est atteint d’une infection nosocomiale après un acte de prévention, de diagnostic ou de soins au sein d’un établissement de santé, d’un service ou d’un organisme, la responsabilité de ce dernier est de plein droit, car il a à sa charge une obligation de sécurité de résultat (Civ. 1ère, 17 février 2016, n°14-21770). Seule la preuve d’une cause étrangère de l’infection pourra exonérer l’établissement de sa responsabilité. Par ailleurs, les juges ont une conception assez restrictive de la notion de cause étrangère : ni la vulnérabilité du patient, ni ses prédispositions à développer une infection nosocomiale ne sont retenues comme telles (CE, 12 mars 2014, n°358111 et Civ. 1ère, 28 janvier 2010, n°08-20571). La Cour de cassation a même récemment exclu l’existence d’une cause étrangère de l’infection nosocomiale, bien que celle-ci ait été causée par la pathologie de la patiente, consécutive à un aléa thérapeutique (Civ. 1ère, 14 avril 2016, n°14-23909). Il apparaît alors que l’exonération de la responsabilité d’un établissement en cas d’infection nosocomiale doit rester exceptionnelle, car elle permet l’indemnisation des patients lorsqu’ils ne remplissent pas les conditions pour obtenir réparation au titre de la solidarité nationale par l’ONIAM.

Lorsque l’infection nosocomiale se déclare après une consultation chez un professionnel de santé libéral dans son cabinet, ici la responsabilité sera pour faute, c’est-à-dire que le patient devra apporter la preuve d’un manquement du praticien pour engager la responsabilité médicale de celui-ci.

Cette dualité de régime a récemment été contestée pour « discrimination injustifiée » lors d’une question prioritaire de constitutionnalité. Le requérant avait soulevé le non-respect du principe d’égalité devant la loi, prévu à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Par une décision n°2016-531 QPC du 1er avril 2016, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de ce régime sont bien conformes à la Constitution, estimant que les conditions pratiques des actes de prévention, de diagnostic et de soin, ainsi que la spécificité du risque en milieu hospitalier induisent une différence de situation, qui justifie la différence de traitement établie par le législateur. En effet, le Conseil constitutionnel affirme que la sévérité de ce régime de responsabilité envers les établissements de santé par rapport aux praticiens libéraux est légitime. D’une part, il relève la prévalence supérieure des infections nosocomiales en milieu hospitalier, du fait des caractéristiques des patients accueillis, de la durée du séjour et de la nature des actes pratiqués, formant de ce fait un contexte plus propice au développement de ces infections. D’autre part, le Conseil constitutionnel rappelle que les établissements de santé sont tenus de mettre en œuvre une politique d’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et l’organisation d’une lutte contre les événements indésirables dont les infections nosocomiales fait également partie de leurs missions.

Cette intransigeante légale envers les établissements de santé en matière d’infections nosocomiales est donc confortée par cette décision du Conseil constitutionnel, qui se permet même de leur rappeler leurs obligations en termes de sécurité et de qualité des soins.