La loi de Santé et la transparence des intérêts dans le monde médical

La loi de Santé a prévu des mesures afin de continuer la lutte contre les conflits d’intérêts dans le monde médical. Dans le milieu de la santé les liens entre les professionnels de santé et les industries sont parfois si étroits qu’il en devient difficile de les délimiter.

La loi de Santé a tenu compte cette problématique toujours existante. De sorte que cette question des relations entre les professionnels de santé et ceux de l’industrie pharmaceutique fait l’objet de mesures inscrites dans la loi afin de consolider la lutte pour la transparence. Le renforcement de la lutte contre l’opacité des relations est organisé autour de 3 piliers : de nouvelles mesures plus poussées, une nouvelle institution et la possibilité pour le gouvernement de légiférer par voie d’ordonnance sur le sujet.

I. Le renforcement des dispositifs de déclaration et de publication des intérêts Concernant les liens d’intérêts :
(Article L.4113-13 du code de la santé publique (CSP)) Désormais les liens que les professionnels de santé entretiennent avec des entreprises et des établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits seront tenus de les faire connaître dans le cas d’interventions en public. Ainsi ils seront tenus de faire connaître leurs liens avec les industries lorsqu’ils s’exprimeront sur de tels produits lors d’enseignements dispensés dans une faculté, lors de formations continues, dans le cadre d’éducation thérapeutique, ou encore quand ils s’exprimeront sur internet. Concernant la publication des rémunérations et participations financières : Tout individu qui occupe une position de responsabilité au sein d’une autorité sanitaire ou d’un organe consultatif du domaine de la santé déjà soumis à une obligation de déclaration d’intérêts doit également rendre public désormais : -les rémunérations perçues de la part des entreprises, établissements ou organismes dont les activités entrent dans le champ de l’organisme auquel il appartient (L1451-1CSP). -les participations financières détenues au sein de ces entreprises, établissement, organismes. Les conditions de publicité de la déclaration d’intérêts seront fixées par décret en Conseil d’Etat (L.1451-3CSP). Concernant la publication des conventions : (L.1453-1CSP)

Il faut entendre par conventions entre acteurs et entreprises de santé les accords avec des obligations pour les deux parties (par exemple des essais cliniques engendrant une rémunération, ou la participation en tant qu’orateur dans un colloque avec en contrepartie la prise en charge des frais de déplacement et d’hébergement). Sont désormais également concernées par cette publication les académies, les personnes morales assurant la formation continue des professionnels de même que toute personne morale éditrice de presses, service de radio, de télévision et de service de communication au public en ligne. La publication des conventions aura lieu sur un site internet public unique. La déclaration devra être précise, elle indiquera l’objet, la date, les bénéficiaires et le montant des conventions. Si cette publication avait déjà lieu sur le site « transparence.sante.gouv » du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes ; désormais elle aura une base légale. Les entreprise produisant ou commercialisant des produits de santé à usage humain vont devoir rendre publiques au-delà d’un seuil qui doit être fixé par décret les rémunérations qu’elles versent aux personne physiques et morale dans le cadre des conventions. Cette nouvelle législation va permettre à tout citoyen de pouvoir connaître avec une relative précision la teneur des liens entretenus entre les professionnels de santé et l’industrie. Concernant les avantages qui sont octroyés par une entreprise sans contrepartie, la même obligation de déclaration existe. Ne sont pas concernées par l’obligation de publication les conventions ayant pour objet l’achat de biens ou de services.


II. Le contrôle intensifié par la désignation d’un déontologue

Afin de consolider le dispositif de lutte contre les conflits d’intérêts et la transparence, il faut que les autorités du monde de la santé veillent à ce que leur personnel respecte leurs obligations en matière de déclaration de leurs liens d’intérêts. Sont concernés notamment les membres des commissions et conseils en lien avec le ministère de la Santé de même que les dirigeants dans le domaine de la santé publique.

C’est dans cette optique de renforcement de la détection d’éventuelles situations de conflits d’intérêts que sont désignés des déontologues au sein de chaque agence sanitaire (L.1451-4CSP). L’obligation d’instituer ce déontologue concerne notamment : l’ONIAM, l’Institut de Veille Sanitaire, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé, le Comité Economique des Produits de Santé, l’Institut National du Cancer etc. Ce déontologue doit vérifier au moins une fois par an que chaque personne relevant de sa compétence aura bien mis à jour sa déclaration. Les personnes soumises aux déclarations sont tenues de répondre aux demandes d’informations que leur adresse le déontologue ou l’organisme dont elles relèvent. Chaque année au plus tard le 31 mars, le déontologue remettra un rapport sur les conditions d’application des dispositions relatives à la transparence et aux liens d’intérêts. Ce rapport sera publié sur le site internet de l’organisme concerné. Les conditions de désignation et d’exercice du déontologue doivent être prises par décret en Conseil d’Etat.  
III. La possibilité octroyée au gouvernement d’adapter la loi

En plus de la législation du code pénal pour réprimer la corruption et les trafics d’influence, la loi n°93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social a mis en place un dispositif dit « anti-cadeaux » applicable au domaine de la santé. Ces dispositions, insérées dans le code de la santé publique, interdisent par principe aux professionnels de santé de recevoir des avantages financiers ou en nature de la part de certaines entreprises industrielles et commerciales, notamment de la part des laboratoires pharmaceutiques.

Ces dispositions « anti-cadeaux » complétées par la législation sur la transparence des liens d’intérêts peuvent dans certaines situations sembler insuffisantes.

C’est pourquoi la loi du 27 janvier 2016 permet au gouvernement de prendre dans un délai d’un an à compter du 27 janvier 2016 les mesures relevant du domaine de la loi dans le but d’élargir le cercle des professions concernées. Ainsi l’interdiction de recevoir des avantages pourra être étendue à l’ensemble des agents des administrations chargées de la politique de santé, au-delà des seules professions de santé.

Le gouvernement pourra également définir par ordonnances les dérogations à l’interdiction de recevoir ou d’offrir des avantages…