INVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE EN CAS DE DOSSIER MEDICAL INCOMPLET

Le « dossier médical » est un document, écrit, recensant toutes les informations portant sur un patient, qu’elles proviennent d’un médecin libéral, depuis 1995, que des actes pratiqués dans des établissements de santé, depuis la réforme hospitalière de 1970.

L’Ordre National des Médecins avait déjà mis en garde les médecins sur la bonne tenue du dossier médical en milieu hospitalier et la loi prévoit à l’article R11112-2 du code de la santé publique le contenu de ce dossier. En ce qui concerne le milieu libéral, les médecins doivent tenir une “fiche d’observation” sur chacun de leurs patients, comme le dispose l’article 45 du Code de déontologie médicale correspondant à l’article R.4127-45 du code de la santé publique.

Protégé par le secret médical et contenant résultats d’examen, prescriptions médicales, résumé de consultations ou encore échanges entre professionnels, le « dossier médical » sert de preuve en cas de litige.

A ce sujet, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rendu le 9 avril 2014 un arrêt déclarant condamnant la négligence des professionnels de santé dans la tenue du dossier médical. En l’espèce le médecin n’avait pas rempli le dossier médical d’un jeune patient durant les deux premiers jours après sa naissance alors que celui-ci présentait de sérieux traumatisme crânien et un creux au niveau de la paupière gauche. La mère du patient a assigné le gynécologue obstétricien en engageant sa responsabilité dans le retard de la prise en charge de l’enfant.

En février 2012, la Cour d’appel de Pau déboute sa demande, faute de preuve sur les manquements du médecin. La Cour de cassation est venue casser l’arrêt en ces termes: « 1) ALORS QUE faute pour le médecin d'avoir renseigné le dossier médical relatif aux deux premiers jours de vie de M. Stéphane X…, il incombait au médecin d'apporter la preuve qu'au cours de cette période n'était survenu aucun événement susceptible d'être à l'origine des préjudices subis par l'enfant ; qu'en énonçant, pour débouter Mme X…, de ses demandes, qu'elle ne rapportait pas la preuve d'une faute médicale formellement identifiée dans l'usage des forceps et dans les conditions de la naissance à l'origine de l'état neurologique de Stéphane, la cour d’ appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1147 du code civil »

Ainsi, là où l'article 307 du Code de procédure pénale dispose que « la charge de la preuve incombe à la partie qui a mis en mouvement l'action publique » et où l'article 8 du Code de procédure pénale prescrit que « toute personne suspectée d'avoir commis une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès », la Cour de cassation répond qu’au motif où il incombait au médecin de remplir le dossier médical et que celui-ci ne l’a pas fait, c’est à lui de fournir la preuve de son innocence et non au patient.

Le fait d’omettre de remplir le dossier médical d’un patient est désormais constitutif d’une faute pour un médecin, ce qui retournerait la charge de la preuve contre lui.

Cette jurisprudence confirme ainsi la position des juges administratifs qui considérait déjà que la disparition d’un élément du dossier médical avait pour effet de renverser la charge de la preuve contre les établissements de santé.