Avis du CCNE sur les problèmes éthiques posés par l'utilisation des cadavres à des fins d'exposition

Le Comité Consultatif National d'Ethique pour les Sciences de la Vie et de la Santé vient de rendre un avis (n°111) concernant les problèmes éthiques posés par l'utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d'exposition muséale.

Concernant cette question, le Comité se prononce en faveur d’une interdiction générale de l'utilisation des cadavres à des fins d'exposition publique ou privée. Il convient de rappeler que la Cour de cassation a récemment précisé que l'exposition des restes des personnes décédées ne pouvait se faire que dans le respect de l'individu, la dignité et la décence (Cf. Rubrique Libertés et Droits de l’Homme).

La Cité des sciences de la Villette posa la question du respect dû aux personnes décédées une première fois en 2008 au Comité d'éthique. Le CCNE avait, alors, rendu un avis ponctuel et spécifique, sur l'opportunité, pour une institution à visée de bien public telle que la Cité des Sciences, de participer aux expositions de cadavres mis en situation de pseudo-vie par le procédé de la plastination. A l'époque, le CCNE avait émis des réserves car les objectifs scientifiques et pédagogiques lui avaient paru mal assurés lors de cette manifestation.

Un an plus tard, ce sont plusieurs acteurs de la société civile et représentants d'associations qui ont saisi le Comité d'éthique afin qu’il rendre un avis général sur le sujet.

Par son avis public n°111, le Comité apporte des précisions sur ce que l'on peut se permettre et ce qui est interdit de faire avec des cadavres ou des éléments du corps après la mort des personnes tout en prenant position sur l'utilisation du corps des personnes après leur mort à des fins de conservation ou d'exposition muséale.

Selon le Comité, la séparation entre les vivants et les morts est une codification culturelle qui participe de l'organisation du vivre-ensemble et il est de préoccupation récurrente et croissante d'assurer le respect à l'égard des cadavres, lequel s'exprime à travers le refus de les exhiber.

Les membres du CCNE soutiennent que le consentement d'une personne à donner son corps à la science après son décès (pour des raisons anatomiques et pédagogiques) ne saurait être confondu avec un cautionnement de sa mise en scène post-mortem à des fins commerciales.

Par ailleurs, concernant le rôle pédagogique de la mise en scène du corps des morts dans des expositions commerciales et ludiques, le Conseil affirme que “chaque acteur de la diffusion des connaissances doit conduire une réflexion destinée à clarifier les motivations pour ce qui relève de l'anatomie ou de l'art et le désir inavoué de voir des morts”. Cela étant, “l'escalade indéfinie dans la recherche du choc émotionnel, où les messages devraient être toujours plus percutants pour atteindre leurs destinataires, est une perspective qui ne répond ni aux exigences de la science, ni à celles de l'éthique”.

Plus généralement, “la mise en avant d'une visée soi-disant anatomique et pédagogique peut s'interpréter comme une tentative de minimisation de la dimension lucrative et médiatique de ce type d'exposition. Elle constitue une forme d'exploitation du corps des morts à visée commerciale qui contrevient à l'esprit de la loi française”, d’après les Sages du CCNE.

Ils ajoutent que “si l'utilisation des corps au motif d'un prélèvement d'organes ou d'une autopsie est indispensable et répond à des attentes sociales fortes et légitimes, en revanche, à quelque degré que ce soit, l'exhibition du corps d'un mort relève d'une tradition révolue”.