Jugement rendu par défaut et jugement réputé contradictoire : quelle incidence sur son exécution ?

Le jugement rendu en matière civile marque la fin de la procédure judiciaire et vient trancher le litige porté devant la juridiction. Lorsque la décision obtenue est favorable, encore faut-il la faire exécuter correctement. Les modalités d’exécution du jugement diffèrent, en effet, selon qu’il s’agit d’un jugement contradictoire, d’un jugement rendu par défaut ou bien d’un jugement réputé contradictoire.

Quelle que soit la qualification du jugement, celui-ci devra être notifié à la partie adverse, soit par exploit d’huissier, soit par le biais du greffe dans certains domaines, ce afin de pouvoir ensuite poursuivre son exécution. L’intérêt de la distinction réside dans le fait que contrairement aux jugements contradictoires qui peuvent être signifiés à n’importe quel moment sous réserve d’être exécutés dans les 10 ans de leur prononcé, les jugements par défaut et jugements réputés contradictoire doivent être signifiés dans les 6 mois de la date à laquelle ils ont été rendus sous peine d’être réputés non-avenus, c’est-à-dire inexistants.

Dans un arrêt publié au Bulletin rendu le 14 septembre 2023 (Cass. Civ. 2ème, 14 sept. 2023, n°21-23.793), la Cour de cassation est venue rappeler cette distinction et en a tiré les conséquences qui s’imposent.

En l’espèce, une personne physique a été placée en liquidation judiciaire par un jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Montpellier le 2 décembre 2016. Dans la mesure où cette personne ne s’était pas présentée à l’audience, que la décision rendue était susceptible d’appel et que celle-ci ne lui avait pas été signifiée dans le délai de 6 mois prévu légalement, elle a tenté d’échapper à cette mesure en saisissant le Juge de l’exécution afin de voir la décision déclarée non-avenue. Le Juge de l’exécution a rejeté sa demande, décision qui a été confirmée par la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt en date du 3 juin 2021.

Le demandeur au pourvoi reprochait à l’arrêt d’avoir violé les articles 473 et 478 du Code de procédure civile en qualifiant le jugement rendu de contradictoire et en disant qu’il n’y avait donc pas lieu de constater le caractère non-avenu du jugement.

Aux termes de ces dispositions en effet, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne. Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur. Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non-avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.

Partageant l’argumentation développée par le demandeur, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 3 juin 2021 par la Cour d’appel de Montpellier. Selon la deuxième chambre civile, « le jugement attaqué, qui était susceptible d’appel était réputé contradictoire et devait être notifié dans les six mois de sa date ».

Si les dispositions de l’article 478 du code de procédure civile peuvent ainsi s’analyser comme un moyen de défense procédural mis à la disposition de la partie qui souhaite échapper au jugement prononcé à son encontre, cette jurisprudence permettra sans doute à certains d’être plus vigilants quant à la signification dans les six mois de leur prononcé des jugements rendus par défaut et jugements réputés contradictoires.

Santina MAGNIER

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