Prêt : pas de devoir de mise en garde de la banque au profit du conjoint de la caution

Eu égard au contexte actuel de crise sanitaire et financière, une piqure de rappel nous a paru essentiel concernant le devoir de mise en garde en matière de contrat de cautionnement.

Ce devoir demeure directement lié à l’engagement de la caution qui mérite une protection spécifique en raison de la dangerosité du contrat de cautionnement. Mais qu’en est-il du conjoint de la caution qui a donné son consentement exprès ?

En effet, l’articulation du droit des régimes matrimoniaux et du droit du cautionnement est aussi l’occasion de contentieux. La Cour de cassation a eu à se prononcer récemment sur l’étendue du devoir de mise en garde (le 12 novembre 2020, n° Q 19-15.729), rappelant ainsi sa jurisprudence du 9 février 2016. Le conjoint qui, en application de l'article 1415 du code civil, donne son consentement exprès à l'acte de cautionnement souscrit par son époux n'est créancier d'aucune obligation d'information ou de mise en garde à l'égard de la banque bénéficiaire du cautionnement.

Au moment de la souscription d’un prêt, conformément aux dispositions de l’article 1415 du code civil, l’époux de la caution commun en biens doit intervenir à l’acte de cautionnement pour l’autoriser à engager les biens de la communauté. Cet article dispose que « Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ».

Une banque a consenti à une société une ouverture de crédit garantie par le cautionnement solidaire de son dirigeant et d’un associé, pour laquelle les épouses de ceux-ci ont consenti à l'engagement de leurs époux. La banque a assigné en paiement des sommes dues par la société, son dirigeant, l’associé et leurs épouses. Le dirigeant et son épouse ont invoqué différents manquements de la banque à leur égard. La cour d'appel de Reims a rejeté leur demande fondée sur l'obligation d'information et le devoir de mise en garde de la banque.

Il a été interjeté appel au motif que le banquier dispensateur de crédit qui sollicite une extension de l'assiette de sa garantie sur les biens communs des époux est tenu d'une obligation d'information et de mise en garde à l'égard du conjoint qui donne son consentement exprès à l'acte de cautionnement souscrit par son époux La Cour de cassation, après avoir énoncé que le consentement d’une épouse au cautionnement donné par son mari en garantie des dettes d’une société, en application de l'article 1415 du Code civil, n'a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l'acte et qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au créancier bénéficiaire du cautionnement de fournir des informations ou une mise en garde au conjoint de son cocontractant, préalablement à son consentement exprès, a validé que la banque n’est pas tenue d’un devoir d’information ou de mise en garde à l’égard du conjoint de la caution.

Le raisonnement ainsi développé nous semble juridiquement justifié. Il est en effet certain que le simple consentement exprès formulé par le conjoint ne peut en aucun cas permettre de considérer que ce même conjoint est titulaire de la qualité de partie à l’acte conclu.

L’acte de cautionnement, en tant que contrat unilatéral, n’impose des obligations qu’à la caution, le créancier, par l’établissement bancaire. De ce fait, la banque n’est tenu que de mettre en garde le garant, au seul bénéfice de son cocontractant, non le conjoint, tiers à la sûreté conclue.

D’aucuns estiment ce raisonnement surprenant si l’on se réfère à une tendance jurisprudentielle relative au développement du devoir de mise en garde au bénéfice des cautions dirigeantes. On aurait ainsi pu penser que le conjoint puisse également bénéficier d’un tel devoir.

Il est donc intéressant de rester attentif à l’évolution du fondement du devoir de mise en garde…. En résumé, il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, il faut retenir que le consentement donné par le conjoint ne lui conférant pas la qualité de partie à l’acte de cautionnement, la banque n’est tenue à aucune obligation d’information ou de mise en garde à son égard.

Sandra NICOLET