Plan de sauvegarde : Action du créancier, Caution et Mesure conservatoire

Le créancier, bénéficiaire d'un cautionnement contracté par une personne physique, n'est pas privé de toute action contre la caution pendant la procédure de sauvegarde, puisqu'il peut, pour obtenir un titre exécutoire, faire pratiquer des mesures conservatoires contre cette dernière, soit pendant la période d'observation, en application de l'article L. 622-28, alinéa 3, du code de commerce, soit pendant l'exécution du plan de sauvegarde, en application de l'article R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution. C’est ce que vient de retenir la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt du 14 juin 2023.

1.

Dans cette affaire, la société débitrice exploite un fonds de commerce d'optique et lunetterie. Le dirigeant de la société, s'est porté caution des sommes dues par la société débitrice au franchiseur, la société Optical finance.

Par la suite, la société débitrice a été mise en sauvegarde et, un plan a été arrêté.

Après la résiliation du contrat de franchise par une ordonnance du juge-commissaire, la société Optical finance a déclaré sa créance à la procédure et a assigné le dirigeant de la société, en sa qualité de caution.

Dans le cadre de cette instance, il a été demandé qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision à l'issue de la période d'observation. Le dirigeant de la société a opposé une fin de non-recevoir en soutenant qu'il pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.

2.

La Cour d’appel d’Agen, dans un arrêt rendu le 8 septembre 2021 (CA Agen, 8 sept. 2021, n° 19/01209), a déclaré l’action du franchiseur irrecevable. Ce dernier a donc formé un pourvoi en cassation.

La société Optical finance fait en effet grief à l'arrêt de déclarer son action irrecevable, alors « que toute atteinte au droit d'agir doit être proportionnée ; qu'en jugeant irrecevable l'action engagée par la société de franchise contre le dirigeant de la société en sa qualité de caution des engagements de la société débitrice au motif que la créance de la caution, qui pouvait se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde de la débitrice principale, n'était pas exigible, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette irrecevabilité n'avait pas pour effet de priver la société de franchise de son droit d'agir en justice contre le dirigeant de la société en sa qualité de caution en l'état d'une interprétation des dispositions du contrat de cautionnement conclu par le dirigeant de la société en sa faveur, lues comme prévoyant un délai de forclusion imposant au créancier d'agir contre la caution dans un délai de six mois suivant la résiliation du contrat de franchise prononcée à effet du 21 avril 2017, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

3.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 juin 2023, a rejeté le pourvoi.

Selon elle, si les poursuites du créancier contre la caution ont été suspendues par l’effet de l’ouverture de la procédure de sauvegarde jusqu’au jugement arrêtant le plan de sauvegarde (C. com., art. L. 622-28, al. 2), la société créancière n’a cependant pas été privée de toute action contre la caution. En effet, le créancier, bénéficiaire d'un cautionnement, peut, pour obtenir un titre exécutoire, prendre des mesures conservatoires contre la caution personne physique, soit pendant la période d’observation (C. com., art. L. 622-28, al. 3), soit pendant l’exécution du plan de sauvegarde (CPCE, art. R. 511-1).

Et encore, il a été rappelé qu’il bénéficie, par ailleurs, de l'interruption du délai de la prescription, à compter de sa déclaration de créance à la procédure collective de la société débitrice principale jusqu'à la clôture de la procédure collective.

Dès lors, la Cour de cassation retient que la société créancière n’avait pas perdu son droit d’agir contre la caution.

La Cour procède ici à un rappel à savoir que le créancier peut assigner la caution en vue d’obtenir un titre exécutoire, peu important l’absence d’exigibilité de la créance.

Cour de cassation Chambre commerciale financière et économique du 14 juin 2023, Pourvoi n° 21-24.018

Sandra NICOLET