Consécration par la CJUE d’un délai de grâce de 5ans pour entamer l’usage sérieux d’une marque

Dans l’affaire C-654/15 du 21 décembre 2016, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a eu à se prononcer sur l’interprétation de l’article 9, §1 b) du règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque européenne après avoir été saisie par le Högsta domstolen (Cour suprême suédoise) d’une question préjudicielle.

Cet article dispose en substance que la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif l’habilitant à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel – à cause de l’identité ou similarité des signes entre eux des produits ou services désignés - il existe un risque de confusion dans l'esprit du public entre ce signe et la marque de l’Union européenne antérieure.

Cette demande a été présentée à la CJUE dans le cadre d’un litige opposant Länsförsäkringar AB à Matek A/S au sujet d’une prétendue violation, par cette dernière, du droit exclusif dont bénéficie Länsförsäkringar en tant que titulaire d’une marque de l’Union européenne.

En l’espèce, l’article soumis à interprétation l’était principalement au regard du considérant 10 du règlement 207/2009 - Il n’est justifié de protéger les marques (de l’Union européenne) et, contre celles-ci, toute marque enregistrée qui leur est antérieure, que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées – et l’article 15 §1 dudit règlement - Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque (de l’Union européenne) n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque (de l’Union européenne) est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

Cette sanction résulte alors en la déchéance pour le titulaire de tout ou partie de ses droits sur la marque. Il s’agissait alors de savoir si le fait que la marque de l’Union européenne n’ait pas fait l’objet par le titulaire, au cours d’une période comprise dans le délai de cinq ans qui suit l’enregistrement, d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services visés par l’enregistrement a une incidence sur le droit exclusif du titulaire ?

En l’occurrence, la CJUE a conclu que l’article 9, §1 b) du règlement (CE) n° 207/2009 doit être interprété dans le sens que, au cours de la période de cinq ans qui suit l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, son titulaire peut, en cas de risque de confusion, interdire aux tiers de faire usage, dans la vie des affaires, d’un signe identique ou similaire à sa marque pour tous les produits et les services identiques ou similaires à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, sans devoir démontrer un usage sérieux de ladite marque pour ces produits ou ces services.

Autrement dit, il convient d’apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l’enregistrement de la marque de l’Union européenne, l’étendue du droit exclusif conféré en vertu de l’enregistrement de la marque, et non l’usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période.

La CJUE semble donc estimer que la finalité des articles précités est de conférer au titulaire un délai de grâce de cinq ans pour entamer un usage sérieux de sa marque.