Imprécision graphique du signe, absence de distinctivité de la marque

A propos de l’arrêt du 2 juillet 2015 (TGI Paris 3ème ch 1ère sect)

Dans le cadre d’une action en contrefaçon intentée par la société Capri Sun AG, la défenderesse, la société Arab Beverages Est a opposé la nullité de la marque tridimensionnelle du demandeur au motif que cette dernière ne serait pas distinctive et ne permettrait pas au public pertinent de percevoir le signe comme une marque.

En effet, la société Capri Sun AG était titulaire, depuis 1997, d’une marque internationale figurative tridimensionnelle n° 677879 déposée comme suit :

Le signe tel que déposé ci-dessus ne comprenait aucune description ni sur sa couleur, si sur sa forme.

Rappelons que l’article R 712-3 du code de la propriété intellectuelle impose que le « dépôt comprend (…) le modèle de la marque, consistant dans la représentation graphique de cette dernière ; le modèle peut être complété par une brève description ».

En outre, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a, notamment, dans un arrêt du 27 novembre 2003 (Shied Mark) précisé que si l’article 2 de la directive liste les signes pouvant constituer une marque, les signes doivent être « susceptibles d'une représentation graphique claire, précise, stable et qui permette aux tiers de comprendre aisément quelle est la marque objet de la protection ».

En l’espèce, le Tribunal relève que la marque dont est titulaire la société Capri Sun AG, « n’est pas représentée clairement, objectivement et de façon intelligible ».

Les juges du fond renforcent leur appréciation en indiquant que le signe « est insusceptible de constituer une marque non seulement car la protection d’une forme aussi indéterminée offrirait à son propriétaire un monopole aussi large qu’incertain et servirait un détournement du droit des marques mais car, insusceptible d’être compris, défini et identifié par le public pertinent ».

Aux fins de justifier sa décision de nullité de la marque pour absence de caractère distinctif, les juges n’hésitent pas à rappeler la fonction primordiale de la marque « identifier l’origine des produits couverts en les rattachant à une entreprise spécifique ».

Le Tribunal a dès lors considéré que l’absence de représentation graphique conforme du signe avait pour effet d’occulter tout caractère distinctif de cette marque.

En effet, condition de validité d’une marque posée par l’article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d’un signe s’apprécie par rapport aux produits ou services visés. Plus le choix est arbitraire par rapport auxdits produis ou services, et plus la marque sera considérée comme distinctive.

Or, en l’espèce, les juges ont reconnu que la mauvaise qualité de la représentation graphique du signe le « prive de distinctivité intrinsèque » et rappelle, en se fondant sur une décision de la CJCE (arrête Develey Holding du 25 octobre 2007) que la distinctivité d’un signe tridimensionnel « est moins évidente pour le consommateur qui a pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage en l’absence de tout élément graphique ou textuel ».

Cette décision permet de rappeler que le dépôt d’une marque tridimensionnelle nécessite une précision certaine à deux niveaux : par rapport à la qualité de l’image déposé (couleur, noir et blanc, flou…) et par rapport à la description accompagnant ledit signe.

A ce titre, la marque déposée par la société Capri Sun AG en sus d’être imprécise et floue ne comprenait aucune description de l’image enregistrée et qui aurait pu permettre a minima de déterminer l’objet de ce signe.

Relevons toutefois que si la qualité de la photographie déposée par la société Capri Sun AG pouvait résulter d’une absence de traitement de cette dernière au regard d’un dépôt effectué en 1997, les nouvelles technologies permettent aujourd’hui de procéder à des enregistrements de signe tridimensionnel de très bonne qualité.

La prudence et la précision dans le cadre du dépôt d’une marque tridimensionnelle sont d’autant plus importantes que l’intérêt à agir dans le cadre d’une action en contrefaçon pourra être écarté suite à la reconnaissance de la nullité de ladite marque.