Une action en contrefaçon de droit d’auteur est toujours susceptible d’appel

Dans un arrêt du 7 mai 2014 (CA Paris, pôle 5, 1ère ch., 7 mai 2014), la cour d'appel de Paris s’est prononcée sur la possibilité pour un justiciable d’interjeter appel d’une décision rendue par un Tribunal de Grande Instance (TGI) dans les matières où il a compétence exclusive et où il statue en dernier ressort.

L’article L 331-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que « les actions civiles et les demandes relatives la propriété littéraire et artistique […] sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie règlementaire ».

Le code de l’organisation judiciaire prévoit, dans son article R 211-3, que « dans les matières où il a compétence exclusive, et sauf disposition contraire, le tribunal de grande instance statue en dernier ressort lorsque le montant de la demande est inférieur ou égal à la somme de 4 000 € ».

En l’espèce, un photographe a constaté qu’un blogueur, Frank B., reproduisait sur son site internet l’une de ses photos intitulée « Coupez, mais coupez bon sang » et ce, sans son autorisation ni mention de son nom. Après avoir fait établir un constat d’huissier et délivré une mise en demeure, le photographe a assigné celui-ci pour contrefaçon de droit d’auteur, évaluant le montant de son préjudice à 3 000 euros. Le TGI a tout d’abord reconnu que la photographie bénéficiait d’une protection au titre du droit d’auteur pour ensuite considérer que l’éditeur du site avait porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux du photographe en publiant une photographie sans avoir recueilli son consentement.

Accueillant les demandes de réparations pécuniaires du photographe, le TGI a condamné Franck B à 1000 € pour atteintes aux droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, à 1000 € au titre des honoraires du Conseil du photographe bénéficiant de l’aide juridictionnelle et aux entiers dépens ( Le TGI visant expressément au titre de ces derniers le remboursement du coût du constat d’huissier effectué à la demande du photographe avant l’instance).

Franck B. a interjeté appel au motif que la photographie avait été cédée au parti politique auquel il appartenait et que celle-ci illustrait un de ses articles. Le photographe a opposé l’irrecevabilité de cet appel, considérant que le montant de la réparation sollicité puis accordé par le TGI était inférieur à 4 000 euros, ce dernier statuant en dernier ressort. La Cour d'appel de Paris n’a cependant pas retenu cet argument. Elle a estimé que bien que les demandes du photographe tendaient à obtenir des dommages et intérêts d’un montant inférieur à 4 000 euros, il convenait de déterminer au préalable si l’œuvre visée, la photographie, était protégeable par le droit d’auteur. Ses demandes supposaient donc « la reconnaissance d’un principe de droit » visant à la qualification d’une photographie en tant qu’œuvre de l’esprit protégeable par le droit d’auteur et par nature d’un montant indéterminé.

La Cour d’appel renforce sa position en ajoutant que l’acte de signification du jugement délivré à Frank B. indiquait que celui-ci pouvait être frappé d’appel.

Enfin, la cour d'appel s’est prononcée sur l’étendue des dépens en rappelant que ces derniers ne peuvent inclure les frais d’un constat d’huissier extra judiciaire se conformant aux dispositions de l’article 695 du Code de procédure civile « Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent : […] 4° Les rémunérations des techniciens ; […] ». Cette décision a pour le mérite de rappeler qu’en matière de contrefaçon de droit d’auteur, l’appréciation d’un tel acte ne peut s’effectuer sans avoir préalablement déterminé si la création visée est protégeable par le droit d’auteur.

Or, cette première étape de qualification ne peut faire l’objet d’une demande pécuniaire laissant le droit aux parties de solliciter une nouvelle appréciation par la Cour d’Appel.