Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 29 mars 2011 : la réaffirmation du critère de la destination du site Internet pour déterminer la compétence des juridictions françaises

La société Maceo constate l’utilisation de ses marques française et communautaire April 77 sur le site Ebay.com et Ebay.fr. Elle assigne en contrefaçon et réparation de son préjudice la société de droit américain Ebay Inc, la société de droit luxembourgeois Ebay Europe et la société Ebay France. Les sociétés Ebay ont invoqué l’incompétence de la juridiction française pour la société Ebay Inc au motif que ce sont les juridictions américaines qui seraient compétentes. La Cour d’appel de Paris dans un arrêt en date du 2 décembre 2009 déboute les sociétés Ebay concernant l’incompétence des juridictions françaises au motif que même si le site est exploité aux Etats-Unis d’Amérique, il est accessible en France et qu’il est inutile de rechercher « s’il existe ou non un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits allégués et le territoire français ». La Cour d’appel applique ici le critère de l’accessibilité du site pour connaitre la juridiction compétente en matière d’atteinte et de contrefaçon sur internet. Les sociétés Ebay ont formé un pourvoi en cassation.

Se posait alors le problème de savoir si le critère de l’accessibilité du site suffisait pour déterminer la compétence d’une juridiction en matière d’atteinte sur internet.

La chambre commerciale de la cour de Cassation répond par la négative dans un arrêt en date du 29 mars 2011. Elle casse et annule l’arrêt au motif que la compétence des juridictions françaises ne peut se déduire de la seule accessibilité du site Internet sur le territoire français, lieu du dommage. La Cour rappelle que pour que les juridictions françaises soient compétentes, il est indispensable que le site internet vise le public français.

Cette solution s’inscrit comme un rappel de l’arrêt Hugo Boss adopté par la chambre commerciale le 11 janvier 2005 retenant le même critère : celui de la destination du site. Il est nécessaire que le site internet en cause vise le public français afin que les juridictions françaises soient compétentes. Ce système a des avantages à deux niveaux : tout d’abord, il permet une plus grande proximité entre l’infraction sur le site internet et le juge compétent. Ensuite, il évite une compétence extraterritoriale des juridictions françaises qui seraient compétentes dès lors que le site est accessible alors même que les faits reprochés n’auraient pas nécessairement de lien avec le juge compétent.

La Cour de cassation et la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ont déterminé les critères prouvant que le site vise un public en particulier. La cour de cassation dans un arrêt du 7 décembre 2010 retient en particulier, le prix en euros, le fait que l’internaute soit redirigé vers des sites dont les noms de domaine sont .fr et .com et enfin que la livraison soit faite par des vendeurs domiciliés en France. Dans ces hypothèses, la juridiction française peut être compétente. La CJUE dans les arrêts Pamer et Hotel Alpenhof retient pour sa part le critère de la focalisation, équivalent à la destination du site, et pose des critères proches de ceux de la cour de cassation : le fait d’offrir des services dans des pays visés, l’utilisation d’un nom de domaine…En outre, selon la CJUE, la langue utilisée sur le site ne peut à elle seule permettre la compétence des juridictions françaises, cet indice devant être apprécié avec précaution.