Indemnisation de la perte de chance de guérison ou de survie : les données statistiques ne suffisent pas !

A l’occasion d’une décision récente, la première chambre civile de la Cour de cassation a estimé qu’en matière d’accident médical fautif, les seules données statistiques ne suffisaient pas à établir la réalité d’une perte de chance de guérison ou de survie de la victime d’un dommage corporel.

La Haute juridiction a alors rappelé que l’indemnisation d’une perte de chance ne dérogeait pas à l’exigence du caractère direct et certain du préjudice.

En l’espèce, une femme avait donné naissance par césarienne à une petite fille, qui avait présenté une infirmité motrice cérébrale en raison d’un manque d'oxygénation de son cerveau lors de l’accouchement.

La mère avait alors contesté sa prise en charge par le médecin anesthésiste lors de l’accouchement, lui reprochant d’avoir commis une faute de négligence dans la tenue de son dossier médical, sur le fondement de l’article 1147 du Code civil. Elle lui reprochait plus précisément d’avoir omis de relever certains éléments de son dossier médical, qui auraient permis de savoir qu’elle présentait une hypotension artérielle, justifiant la réalisation de l’intervention ayant causé un dommage à son enfant.

Par un arrêt du 7 octobre 2021, la cour d’appel de Versailles a effectivement retenu des manquements imputables au médecin anesthésiste pour prévenir le risque d’hypotension subi par l’enfant. En effet, celui-ci s’était notamment abstenu de consigner des éléments de surveillance hémodynamique.

Les juges du fond ont alors retenu la qualification d’une faute médicale, conformément à la définition de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique.

En revanche, se fondant sur les rapports d’expertises, la cour d’appel de Versailles a estimé qu’il n’existait pas de lien de causalité direct et certain entre les fautes commises par le médecin anesthésiste et le dommage subi par le nourrisson.

En effet, à l’examen des éléments du dossier médical, il n’était pas démontré que l’hypotension artérielle présentée par la mère était à l’origine de la survenance du manque d’oxygénation subi par l’enfant lors de sa naissance et lui ayant causé une infirmité motrice cérébrale.

La cour d’appel a donc refusé de condamner le professionnel de santé au titre de la perte de chance pour le nourrisson d’éviter manque d'oxygénation de son cerveau, considérant que le lien de causalité certain et direct entre les fautes du médecin et cette perte de chance n’était pas établi.

Insatisfaite de cette décision, la requérante a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que la perte de chance ne pouvait être exclue que s’il était établi avec certitude que les manquements de l’anesthésiste n’avaient pas fait perdre à son enfant une chance d’éviter une infirmité, ce qui n’était selon elle pas le cas en l’espèce.

Par un arrêt du 8 février dernier, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi, s’alignant sur la position adoptée par la cour d’appel de Versailles.

La Haute juridiction a en effet confirmé que l’hypothèse selon laquelle l’infirmité de l’enfant aurait été causée par une hypotension artérielle sévère de la mère avait été écartée car non étayée par des données cliniques et par les éléments décrits au cours de l’intervention.

Dès lors, cette hypothèse n’ayant pas pu être vérifiée, l’évitement du dommage subi par le nourrisson était purement aléatoire et donc irréparable.

A travers cette décision récente, la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel l’indemnisation de la perte de chance ne permet pas de déroger à l’exigence d’un lien de causalité direct et certain entre le dommage et le préjudice.

https://www.courdecassation.fr/decision/63e34cac500dc805de37cd7d

Marianne DENIAU