Participation d'une personne n'ayant pas la qualité d'associé aux décisions collectives d'une société : une cause de nullité des assemblées générales

Dans un arrêt du 11 octobre 2023 (Cass.Com, 11 octobre 2023 n°21-24.646), la Cour de Cassation est revenue sur le point de savoir si : dès lors qu’une cession de parts sociales ou d’actions est annulée, l’effet rétroactif de la nullité de la cession remet il en cause les assemblées et autres décisions collectives auxquelles a participé le cessionnaire réputé n’avoir jamais été associé ?

Cette décision s’inscrit dans la continuité d’un arrêt rendu le 31 mai 2010 par la Cour d’appel de ROUEN.

En l’espèce, une personne avait décidé de vendre les parts sociales qu'elle détenait dans une SARL. A son décès, la cession des parts sociales a fait l’objet d’une vive contestation par son héritier, lequel a sollicité l’annulation des assemblées et décisions collectives de la SARL auxquelles avait participé le cessionnaire.

La Cour d’appel de ROUEN avait à ce titre fait droit aux demandes de l’héritier en déclarant nulles les cessions de parts et en prononçant consécutivement l’annulation de l’ensembles des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la SARL depuis le 31 mai 2010.

La Cour d’appel estimait dès lors que la situation visée ne s’inscrivait pas dans le cadre de l’article L.223-27 du Code de commerce lequel dispose dans ces derniers alinéas que :

« (…) Un ou plusieurs associés détenant la moitié des parts sociales ou détenant, s'ils représentent au moins le quart des associés, le quart des parts sociales, peuvent demander la réunion d'une assemblée. Toute clause contraire est réputée non écrite. Tout associé peut demander en justice la désignation d'un mandataire chargé de convoquer l'assemblée et de fixer son ordre du jour. En cas de décès du gérant unique, le commissaire aux comptes ou tout associé convoque l'assemblée des associés à seule fin de procéder au remplacement du gérant. Cette convocation a lieu dans les formes et délais prévus par décret en Conseil d'Etat. Toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée. Toutefois, l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les associés étaient présents ou représentés ».

Le cessionnaire s’est ainsi pourvu en Cassation, ce dernier soutenant que l’article visé était applicable dès lors que les assemblées s’étaient tenues dans les conditions régulières à l’époque des faits.

Dans l’arrêt du 11 octobre 2023, la Haute juridiction a rejeté le pourvoi formé, le juge conservant la liberté d’appréciation de l’opportunité d’une telle annulation. En effet, la Cour de Cassation a combiné les articles 1844 alinéa 1 et 1844-10 alinéa 3 du Code civil en indiquant que « la participation d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé aux décisions collectives d’une société à responsabilité limitée constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises, dès lors que l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décisions ».

Ainsi la Cour de Cassation a considéré que la participation d’une personne non-associée portait atteinte à la validité de l’assemblée.

Cette dernière ne fait donc que confirmer des arrêts antérieurs, à l’instar de celui du 8 juillet 2015. (Cass.civ.3ième,8 juil.2015, n° 13-27248)

Par cet arrêt deux risques peuvent toutefois être retenus.

En premier lieu, il est indéniable que les assemblées et décisions collectives des sociétés vont être fragilisées en cas de remise en cause rétroactive d’une transmission de droits sociaux. En outre, dès lors que l’arrêt sanctionne la participation d’une personne non-associés, quid de la non-participation de celui qui est redevenu associé à cette même assemblée eu égard à l’annulation de la cession ?

Alicia COLLOT