Minorité et proposition de loi relative au non consentement

Depuis plusieurs mois maintenant, la population française prend pleinement conscience du fléau que représentent les violences sexuelles commises sur mineurs.

Cette connaissance a pu notamment se faire par le biais d’affaires judiciaires portées, pour certaines, à la connaissance du public sous la forme d’ouvrages littéraires (Le Consentement , La Familia grande , Un si long silence ) ou encore de décision de justice prises par différents magistrats.

Deux réalités sont alors devenues incontournables :

• Il a existé une connivence sociale telle qu’elle a permis la perpétuation des atteintes, des agressions et des viols ;

• la récurrence des témoignages et la libération de la parole sur les réseaux sociaux ont illustré la multitude de souffrances individuelles qui n’ont pas, jusqu’à présent, réussi à s’exprimer.

Il était alors urgent de légiférer sur le sujet et c’est en ce sens qu’a vu le jour la proposition de loi renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles, n° 3721, déposée le mardi 5 janvier 2021.

Actuellement, tout acte de nature sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans est considéré comme une « atteinte sexuelle », soit un délit puni de sept ans d’emprisonnement. S’il est également prouvé que ces faits ont été commis avec les circonstances de « violence, contrainte, menace ou surprise », l’infraction devient alors un crime puni de 20 ans de réclusion criminelle.

La preuve de ces circonstances aggravantes a pu être résumée dans le langage usuel à la « preuve du consentement ».

La proposition de loi a souhaité créer des infractions autonomes pour évacuer la question du consentement des affaires judiciaires d’ordre sexuel impliquant des mineurs agissant tant sur le terrain du droit commun que sur celui particulier des relations incestueuses.

1. La sanction des atteintes sexuelles sur mineurs de quinze ans

Par « mineur de quinze ans », il faut comprendre mineur âgé de 14 ans maximum.

L’apport majeur de la proposition de loi est de créer une présomption irréfragable de non consentement pour tout mineur de 15 ans, victime d’acte de viol.

Cela impliquera donc deux choses :

• pour ces faits et compte tenu de l’âge de la victime, il ne sera plus nécessaire de rapporter la preuve de la commission des faits avec les circonstances de « violence, contrainte, menace ou surprise » dans la mesure où ces circonstances seront considérées comme automatiquement présentes,

• le caractère « irréfragable » de cette présomption de non consentement est particulièrement fort puisqu’il interdit au défendeur d’apporter la preuve contraire.

En ayant recours à ce type de présomption connue en droit (et s’opposant à la présomption simple qui, elle, peut supporter la preuve contraire), le pouvoir législatif a voulu réaliser une opération forte de sens dans la mesure où ces présomptions sont très peu nombreuses en droit français.

Il serait possible de critiquer l’âge minimal choisi, ce qu’ont d’ailleurs fait plusieurs associations de défense des mineurs, réclamant la fixation de ce seuil à l’âge de 15 ans, dans la mesure où de nombreuses victimes d’atteinte sexuelle sont des adolescents de 13 à 15 ans.

Il est alors possible d’apaiser ces critiques en rappelant qu’en tout état de cause, ces mineurs restent protégés par les termes de l’article 222-23 du code pénal, qui condamne tout fait de viol avec les circonstances de « par violence, contrainte, menace ou surprise ».

2. La répression des atteintes incestueuses commises sur des mineurs

Les articles 3 et 4 de la proposition de loi précisent les auteurs expressément visés pour ces infractions et visent dès lors :

– un ascendant ;

– un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu, une nièce ;

– le conjoint, le concubin, d’une des personnes citées plus haut, ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, s’il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Cette proposition de loi, déposée le 5 Janvier 2021 a été transmise à la Commission des lois constitutionnelle qui l’a adoptée le 18 Février dernier.

Le texte est donc soumis au Sénat pour première lecture ; si ce dernier adopte la proposition de loi sans la modifier, celle pourra alors être votée.

La rapidité d’adoption de cette proposition doit être soulignée dans la mesure où les délais habituels de « navette parlementaire » se comptent en nombreux mois.

C’est donc la preuve que le sujet qu’elle traite fait l’unanimité et constitue à l’heure actuelle une urgence législative voire sociétale.