Le recours à la médiation : à vos marques, prêts, partez !

La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021, en son article 45, a créé le Conseil national de la médiation, placé auprès du Ministère de la Justice et ayant notamment pour fonction de :

- Rendre des avis dans le domaine de la médiation définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et proposer aux pouvoirs publics toutes mesures propres à l’améliorer ;

- Proposer un recueil de déontologie applicable à la pratique de la médiation ;

- Proposer des référentiels nationaux de formation des médiateurs et faire toute recommandation sur la formation ;

La tendance lancée avec la création de ce Conseil continue avec l’action du ministère de la Justice qui poursuit ses consultations sur les suites à donner aux propositions du comité des États généraux de la justice, auxquelles le Groupement européen des magistrats pour la médiation (« GEMME ») section France a été associé.

Par ailleurs, le décret sur la composition de ce Conseil national de la médiation doit être prochainement publié.

L’ensemble de ces actions sont autant de preuves de la mise en place d’une véritable politique nationale en faveur de la médiation.

Jusqu’à présent, la médiation s’illustrait au niveau d’expériences individuelles, conduites avec beaucoup d’énergie dans certaines juridictions mais la pérennité des dispositifs proposés a été rarement assurée.

La première explication à ce constat est l’état d’esprit de la justice française : la France n’est pas une société du compromis. Les prétoires sont vus et revendiqués comme des espaces d’affrontements et rarement des lieux où s’engage un dialogue autour de la recherche d’une solution amiable.

Cependant, les efforts et la persévérance des pionniers de la médiation (avocats, magistrats, médiateurs, universitaires, représentants de la société civile) commencent à porter leurs fruits.

En effet, les acteurs judiciaires commencent à envisager la médiation et le recours à l’amiable non pas comme un échec, un aveu de faiblesse ou encore une déjudiciarisation destinée à diminuer les stocks des juridictions mais plutôt comme un mode qualitatif de résolution des différends tourné vers l’avenir, répondant aux besoins des justiciables, permettant à ces derniers dans le cadre d’un processus éthique de communication de renouer un dialogue et de trouver des solutions, qui les satisfasse pleinement, avec l’aide d’un tiers compétent, neutre et impartial qu’est le médiateur.

Cette tendance est due à pluralité de raisons : une collaboration étroite avec les avocats, les associations de médiateurs et les représentants de la société civile, la multiplication des permanences de médiateurs et de conciliateurs, une augmentation sensible des injonctions de rencontrer un médiateur délivrées par les juges à divers stades des procédures ou encore le développement de formations communes aux différents professionnels.

Grace à ces éléments, la médiation commence à rentrer dans les mœurs et dans les têtes.

À l’issue de réflexions collectives, la Cour d’appel de Paris a établi deux rapports, l’un en 2008, l’autre en 2014, tous deux faisant le point sur les réformes nécessaires pour institutionnaliser la médiation dans les juridictions sans la rigidifier, la souplesse et la liberté devant rester l’essence de ce processus.

Et sous l’impulsion de Chantal ARENS, alors première présidente, la Cour de cassation a ordonné ses premières médiations judiciaires.

Le législateur a accompagné ce mouvement en introduisant petit à petit la médiation au sein de la procédure civile

- En imposant, à peine d’irrecevabilité, une tentative de conciliation pour les litiges ayant un objet inférieur à 4 000 € (loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016) - En faisant injonction aux parties de rencontrer un médiateur pour être informées sur l’objet et le déroulement d’un processus de médiation (loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022) - Ou encore en facilitant le recours aux MARD et créée le Conseil national de la médiation (loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021)

De sorte que le recours à la médiation n’a jamais été aussi possible, accessible et attractif.

Si la médiation est devenue si intéressante c’est qu’elle arrive à un moment où les constats sur l’efficacité de la justice française sont quelque peu négatifs, voire alarmants.

Le rapport du comité des États généraux de la justice fait le constat d’une « crise majeure de l’institution judiciaire », laquelle se trouve dans un « état de délabrement avancé », « ne remplit plus son rôle et fait l’objet de remises en cause ». Ce constat concerne singulièrement la justice civile, « invisible dans les débats politiques » et victime d’un « lent déclassement ».

Ces mots sont forts et lourds de conséquence pour un métier qui attire chaque année des milliers de passionnés.

Sur ce tableau, les avantages de la médiation, comme de la conciliation ou de la procédure participative assistée par avocats, ne peuvent que séduire : ils permettent de créer des solutions innovantes, adaptées aux besoins des parties. Mais surtout, ils rétablissent la pérennité, parfois essentielle, dans les relations des intéressés.

Les chiffres étant souvent parlant, il a été confirmé, dans certaines juridictions, qu’un développement significatif de la médiation et de la conciliation permet de traiter un pourcentage non négligeable du contentieux et de prévenir de futurs procès. Les modes amiables sont ainsi particulièrement mobilisables et souhaitables dans les contentieux économiques et commerciaux où leur souplesse est pleinement reconnue et favorise la confiance entre les acteurs.

Cependant, il est possible de regretter l’absence d’un outil informatique national, qui aurait pour vocation d’enregistrer et de suivre les procédures amiables et d’ainsi pouvoir chiffrer les conséquences d’un recours à de tels modes : Combien d’injonctions ou de médiations ont été ordonnées ? Combien de désistements d’instance ont fait suite à une injonction de rencontrer un médiateur ou un conciliateur ou à une ordonnance de médiation ? Combien d’accords totaux ou partiels ont été homologués par les juges ou décisions sur désaccords persistants prononcés ? Cet outil constituerait un indicateur de la qualité de la justice civile à laquelle concourent les dispositifs de promotion des MARD.

A l’inverse, économiquement, il est démontré qu’une dynamique de défiance, telle que constaté à l’heure actuelle vis-à-vis du système procédural français, favorise l’inflation normative.

Il faut cependant rester objectif et éviter les postures prosélytistes dans la mesure où la médiation n’est pas adaptée à tous les contentieux et tous les sujets.

La justice française, telle que mise en place et pratiquée de nos jours, permet de protéger la sureté et la sécurité tant des individus que de la société ; par voie de conséquence, la médiation est un mode de résolution des conflits parfaitement inadaptée et inenvisageable pour traiter les litiges pénaux.

Par ailleurs, en tant que processus volontaire, il peut ne pas trouver sa place dans certains contentieux et le choix des justiciables de ne pas emprunter cette voie là doit être respecté. Dans ces hypothèses, les avocats se serviront de toute la force de leur robe pour représenter et défendre au mieux les intérêts de leurs clients.

Cependant, selon un sondage récemment commandé par la commission des lois du Sénat, les concitoyens plébiscitent à 90 % le développement de la médiation et de la conciliation. Ne pas se pencher sérieusement sur ces modes de règlement des conflits serait alors les décevoir et il appartient aux acteurs quotidiens du droit et de la justice de savoir faire coïncider l’amiable et la joute judiciaire pour servir au mieux les justiciables.

Cécile CREVANT