Carton rouge à l’avocat agent sportif - Carton vert à l’avocat mandataire sportif !

Voilà une décision de la Cour de cassation qui fait grand bruit dans le monde sportif !

Pour les non-initiés, cet arrêt peut apparaître comme très technique.

Mais en réalité, ne nous leurrons pas, l’enjeu est économique et relève d’une véritable lutte d’influences.

Par un arrêt rendu le 29 mars 2023, la première chambre civile de la Cour de cassation vient affirmer qu’un avocat ne peut pas, à titre principal ou à titre accessoire, exercer l’activité d’agent sportif.

Retour sur la genèse de cette affaire.

L’article 6 ter alinéa 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées prévoit que :

« Les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés au premier alinéa de l'article L. 222-7 du Code du Sport. »

La Loi de 2011 poursuivait l’objectif de moderniser les professions judiciaires et juridiques réglementées et plus spécifiquement s’agissant du secteur sportif, de le moraliser et de lui permettre de bénéficier des règles déontologiques de l’Avocat.

Dans un édito récent, j’ai eu l’occasion de commenter la décision de la ministre des Sports, Madame Amélie Oudéa-Castéra, d’installer prochainement “un comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport” à la suite des nombreuses turpitudes qui affectent la vie de certaines fédérations sportives.

Les règles déontologiques de l’Avocat constituent une protection forte de l’éthique et ne peuvent sans doute pas faire de mal au secteur sportif.

Fort de la Loi de 2011, le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris a modifié le 2 juin 2020 son règlement intérieur, en créant un article P.6.3.0.3 stipulant :

« L’avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement.

L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission ».

Le Procureur général près la Cour d'appel de Paris a formé le 10 juillet 2020 un recours en annulation contre la délibération du Conseil de l'Ordre.

Plusieurs fédérations, des agents sportifs, le CNOSF sont intervenus volontairement à l'instance pour soutenir ce recours en annulation formé par le procureur général.

Le 14 octobre 2021, la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt aux termes duquel la délibération du Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris créant un article P.6.3.0.3, a été annulée.

Cet arrêt avait déjà suscité de nombreux commentaires.

Il a fait l’objet de pourvois en cassation formés par le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris et par l’Association des avocats mandataires sportifs.

La décision de la Cour de cassation était attendue avec grand intérêt par les acteurs du monde sportif.

L’arrêt de la Cour a donc été rendu le 29 mars dernier.

La Cour de cassation rejette les pourvois formés contre l’arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la Cour d’appel de Paris.

La Cour indique :

« En premier lieu, selon l'article L. 222-7, alinéa 1er, du code du sport, l'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif.

Aux termes de l'article 6 ter, alinéa 1er, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, créé par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, les avocats peuvent, dans le cadre de la réglementation qui leur est propre, représenter, en qualité de mandataire, l'une des parties intéressées à la conclusion de l'un des contrats mentionnés à l'article L. 222-7 précité. Il en résulte que l'avocat ne peut, tant à titre principal qu'à titre accessoire, exercer l'activité d'agent sportif. En second lieu, l'article 10, alinéa 6, de la loi du 31 décembre 1971, modifié par la loi du 28 mars 2011, dispose que l'avocat agissant en qualité de mandataire de l'une des parties intéressées à la conclusion d'un tel contrat ne peut être rémunéré que par son client. La cour d'appel, faisant application de ces textes sans statuer par arrêt de règlement, a retenu à bon droit, d'abord, que seul l'agent sportif peut mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, tandis que l'avocat a pour attribution de représenter les intérêts d'une des parties à ce contrat, ensuite, que l'avocat ne peut être rémunéré par un club qui est le cocontractant de son client.

Elle en a exactement déduit que l'article P.6.3.0.3. devait être annulé en son alinéa 1er, qui n'était pas compatible avec l'exercice de la profession d'avocat, ainsi qu'en son alinéa 2, qui était source de conflits d'intérêts et contraire à la loi. »

La Cour de Cassation affirme ainsi que l'Avocat ne peut, tant à titre principal qu'à titre accessoire, exercer l'activité d'agent sportif.

Il sera rappelé que les avocats ne se sont jamais revendiqués comme étant des agents sportifs.

Il s’agit de deux professions complémentaires.

Mais si l’Avocat ne peut exercer l’activité d’agent sportif, il peut bien évidemment continuer à exercer son activité d’avocat mandataire sportif et être légitimement rémunéré par son client dans le cadre du conseil qu’il lui apporte.

Olivier COSTA

Avocat Associé