Quand la rémunération d’un dirigeant, à travers des managements fees conclus auprès d’une société tierce, ne constitue pas un acte anormal de gestion !

Le Conseil d’Etat est venu aux termes de son arrêt, CE 9° et 10° ch.-r., 4 octobre 2023, n° 466887, apporter de nouvelles précisions sur les conventions de management fees et la notion d’acte anormal de gestion.

Les faits de l’espèce étaient les suivants :

Une société a déduit les honoraires versés à une autre société au titre des prestations de management réalisées par un dirigeant commun, exerçant respectivement les fonctions de gérant de la première société et de co-gérant de la seconde.

L’administration fiscale a remis en cause cette déduction, considérant que le versement de ces honoraires relevait d'une gestion anormale de la société.

Saisi, le Conseil d’Etat a ainsi estimé que :

« La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d’une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu’ainsi ce versement n’est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d’un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt ».

Pour rappel, il ressort des articles 38 et 209 du Code général des impôts que le bénéfice imposable est le bénéfice net résultant des opérations de toute nature, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale de l’entreprise.

La décision du Conseil d’Etat qui a renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel dont il conviendra d’attendre la future décision, est néanmoins d’ores et déjà importante.

En effet, la pratique des management fees est quotidienne dans les entreprises, et concerne de nombreux domaines comme les ressources humaines, l’informatique, la gestion juridique, la gestion comptable, la partie commerciale, …sans que cette liste ne soit bien sur exhaustive.

L’administration fiscale est vigilante et n’hésite pas à sanctionner des conventions de management fees trop imprécises. La jurisprudence était jusqu’à alors stricte avec des conséquences fiscales lourdes en cas de rejet des déductibilités opérées.

La prudence conduisait alors de limiter les conventions de management fees aux prestations déléguées techniques, sans lien avec les fonctions incombant normalement au dirigeant.

Par sa décision du 4 octobre 2023, le Conseil d’Etat permet aux dirigeants de retrouver une liberté de gestion qu’ils n’avaient plus à la lumière de la jurisprudence établie jusqu’alors.

Naturellement, il conviendra d’être toujours attentif à pouvoir justifier de la réalité de la prestation prévue par la convention de management fees.

Car il ne faut pas oublier que sur le plan du droit civil, la Cour de cassation a déjà jugé que des conventions de management conclues entre deux sociétés ayant des dirigeants communs, étaient nulles pour absence de cause.

D’où l’importance sans cesse rappelée aux entrepreneurs, qu’il est indispensable de documenter le plus possible les pratiques qu’ils ont mises en place au sein de leurs sociétés.

Olivier COSTA Avocat Associé