Concubins qui se séparent : qui reste tenu des dettes de loyers ?

Lorsqu’un couple non marié et non pacsé (ou encore des simples colocataires) se sépare, il se pose de façon récurrente la question du sort réservé aux dettes de loyers.

En effet, la majorité des baux d’habitation prévoient une clause de solidarité entre les locataires, ce qui signifie que chacun des locataires sera tenu du paiement de l’intégralité des loyers afférents au bail, ainsi que de toute somme qui serait due au titre de ce contrat (dégradations locatives, charges, taxes, etc.).

Par la suite, à charge pour le locataire qui a payé l’intégralité du loyer de se retourner à l’encontre de son co-preneur solidaire afin d’obtenir le remboursement de la part du loyer due par ce dernier.

Toutefois, lorsqu’un seul locataire décide de quitter le logement, sera-t-il tenu des loyers exigibles après son départ ?

Tout d’abord, le locataire ne doit pas omettre de donner congé à son bailleur avant son départ (1), congé qui fait courir un délai avant la pleine désolidarisation du bail (2). Enfin, certaines mesures ont été prises en faveur des personnes victimes de violences conjugales (3).

1) Notification du congé au bailleur

Le locataire qui décide de quitter le logement doit notifier son départ au bailleur, et ce même dans l’hypothèse où son co-preneur reste dans le logement. Cette notification doit prendre la forme d’une lettre recommandée avec accusé de réception (ou d’un acte d’huissier ou d’une remise en main propre contre signature), laquelle contient les informations suivantes : - Nom des parties et adresse du logement concerné, - Date de prise d'effet du congé, c’est-à-dire la date de fin du délai de préavis. Attention, il convient de vérifier la durée du préavis qui peut être de 3 ou 1 mois, notamment si le logement se trouve dans une zone tendue, ou suivant la situation financière et professionnelle du locataire. En tout état de cause, le locataire qui demande à bénéficier d’un préavis d’1 mois en cas de perte d’emploi ou autre situation professionnelle et financière, doit nécessairement fournir les justificatifs afférents afin que sa demande soit prise en compte.

2) Délai restant à courir avant la désolidarisation des loyers

Une fois le congé donné, le locataire partant reste tenu à la dette de loyer pendant un certain délai, fixé par l’article 8-1, VI, de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Ces règles prévoient que :

- Le colocataire reste tenu de payer les loyers et charges dus jusqu'à la fin de son préavis si un nouveau colocataire le remplace.

- S'il n'a pas de remplaçant, le colocataire reste tenu du paiement des loyers et charges dus jusque 6 mois après la fin de son préavis.

- Les obligations de la personne qui s'est portée caution pour le colocataire sortant cesse dans les mêmes conditions.

Toutefois, le propriétaire peut donner son accord par avenant pour désolidariser le colocataire sortant avant cette date, ou pour le désolidariser et le remplacer par un nouvel occupant.

Par conséquent, si le locataire n’est pas remplacé, la solidarité persiste jusqu’à 6 mois après la fin de préavis, soit potentiellement jusqu’à 9 mois après la notification du congé donné au bailleur et le départ effectif du locataire. Ainsi, il convient pour le locataire sortant d’être particulièrement vigilant – à l’égard du locataire restant – quant au paiement des loyers pendant toute cette période (soit 7 ou 9 mois après la notification du congé au bailleur), ou de veiller à se trouver un remplaçant dans les meilleurs délais.

3) Cas d’un locataire victime de violence au sein du couple ou violence sur l'enfant vivant habituellement avec lui

La Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a établi de nouvelles mesures. Désormais, lorsqu’un membre du couple, ou un enfant vivant avec lui, est victime de violence, il peut demander au bailleur de bénéficier d’un préavis d’un mois (3°bis de l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989). Pour bénéficier de cette mesure, le locataire victime doit produire les justificatifs attestant que :

- Le locataire est bénéficiaire d'une ordonnance de protection ;

- Son époux, ou partenaire de Pacs, ou concubin, fait l'objet de poursuites, d'une procédure alternative aux poursuites ou d'une condamnation, même non définitive.

Surtout, la solidarité pour le paiement des loyers cessent à compter du départ du locataire (article 8-2 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989).

Le locataire victime doit en informer le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, accompagnée :

- de la copie de l'ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales dont il bénéficie et préalablement notifiée à l'autre membre du couple ;

- ou de la copie d'une condamnation pénale de ce dernier pour des faits de violences commis à son encontre ou sur un enfant qui réside habituellement avec lui et rendue depuis moins de six mois.

Cette mesure, particulièrement importante pour les victimes qui ne doivent plus craindre les conséquences financières de leur départ du logement, est à saluer.

Néanmoins, il est à regretter la lourdeur des justificatifs exigés par la loi, qui peuvent être particulièrement longs et difficiles à obtenir pour une personne subissant l’urgence d’une telle situation.

Anne de LAMBILLY