Le recours à la visio-conférence en audience : Acte II.

L’ordonnance n°2020-1401du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale, a remis au goût du jour l’utilisation de la visioconférence devant toutes les juridictions pénales.

Cette ordonnance fait suite à l’application de l’article 10 de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

Tout comme lors du premier confinement, le gouvernement a réintroduit la possibilité de restreindre la publicité d’une audience, de statuer à juge unique mais surtout la possibilité de tenir une audience en visioconférence, ou tout autre moyen de communication électronique. Cette possibilité s’applique également devant les Cours d’assises à compter des plaidoiries et des réquisitions.

Autrement dit, les accusés pourraient écouter les réquisitions de l’Avocat général depuis le centre pénitentiaire. Impensable pour les avocats, s’indignant d’une négation des droits de la défense.

A cela, le Ministre de la Justice, Monsieur Eric Dupont-Moretti, indique qu’il s’agit d’un moyen de permettre une continuité de la justice. Et pour cause, l’arrêt du système judiciaire pendant les premières mesures de confinement se fait encore ressentir.

Il convient toutefois de préciser que ce recours à un moyen de télécommunication ne nécessite pas l’accord des parties. Or, et pour rappel, le Conseil Constitutionnel a d’ores et déjà déclaré l’inconstitutionnalité des dispositions permettant de recourir à la visioconférence, sans consentement de la personne placée en détention provisoire, au cours de l’examen des demandes de mise en liberté dont est saisie directement la chambre de l’instruction (QPC n°2019-802 du 20 septembre 2019).

L’ordonnance dont il est fait l’étude porte toutefois sur l’ensemble des juridictions pénales, ainsi que pour les présentations devant le Procureur de la République ou devant le Procureur général.

Cette ordonnance tombe alors à point nommé lorsque l’on sait que le procès des attentats de janvier 2015 est suspendu depuis le 02 novembre en raison de la contamination de certains accusés. Le jour de la publication de cette ordonnance, le Président de la Cour a ordonné une expertise médicale du détenu afin de vérifier la compatibilité de son état de santé avec une comparution physique à l’audience et, à défaut, avec sa présence virtuelle par visioconférence.

Une décision qui a conduit à la publication dans le journal Le Monde, de deux tribunes des avocats de la défense et des parties civiles, qui indiquent « Nous refusons de cautionner le triste spectacle d’un procès criminel sans accusé. »

A noter également que le recours à la visioconférence n’irrite pas que les praticiens pénalistes. En effet, le Syndicat de la juridiction administrative a annoncé qu’il formerait un recours contre l’ordonnance du 18 novembre 2020, n°2020-1402, qui élargit également aux juridictions administratives, la possibilité de tenir des audiences à distance.

Entre justice à l’arrêt et justice virtuelle, le choix semble donc être des plus difficile.