Liberté d’expression et diffamation publique : une ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression

Dans une décision du 21 janvier 2016, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CEDH, 21 janv. 2016, n° 29313/10) considère que la condamnation pour diffamation publique prononcée par la France à l’encontre de M. de Carolis en qualité de directeur de la chaîne de télévision, de la journaliste auteur du reportage ainsi que la société France 3, lors d’un reportage le 8 septembre 2006 constitue une « ingérence disproportionnée dans le droit à la liberté d’expression ».

En effet, condamnés par les juridictions françaises pour diffamation publiques au motif que si toute personne a droit à la liberté d’expression « cela comporte des devoirs et responsabilités et peut être soumis, comme en la circonstance, à des restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la réputation des droits d’autrui et de la présomption d’innocence ».

A ce titre, certains passages du reportage ont été considérés comme constituants des propos diffamatoires et le journaliste ne peut être dispensé du « devoir élémentaire de prudence et d’objectivité qui doit nécessairement s’attacher à la relation d’accusations », et ce, alors même que ces dernières n’ont pas fait l’objet d’une décision par un tribunal.

Par conséquent, les requérants ont saisi la CJUE invoquant la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression.

Rappelons que l’article 10 dispose que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations. 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ».

En outre, les requérants invoquaient un respect de la déontologie journalistique et que « le reportage en question visait à informer et alerter le public sur des questions d’importance politique et incontestablement d’intérêt général ». La CJUE a tout d’abord rappelé les principes relatifs aux conditions de la nécessité d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression avant d’indiquer que la liberté de la presse « joue un rôle fondamental et essentiel dans le bon fonctionnement d’une société démocratique ».

Ensuite, la Cour relève que la « condamnation pénale des requérants constitue une ingérence dans l’exercice de leur droit à la liberté d’expression » et a ensuite apprécié si cette ingérence était nécessaire dans une société démocratique et donc proportionnée au but poursuivi.

En l’espèce, la Cour indique que les faits relatés dans le reportage portaient sur un sujet d’intérêt général et que le but légitime d’information « n’était pas discutable ».

Elle relève, en outre, que « les déclarations incriminées constituent davantage des jugements de valeur que de pures déclarations de fait, compte tenu de la tonalité générale des propos de la journaliste comme du contexte dans lequel ils ont été tenus ».

La Cour en conclut dès lors que « la manière dont le sujet a été traité n’étant pas contraire aux normes d’un journalisme responsable », la condamnation des requérants était disproportionnée. Par cette décision, la Cour permet de rappeler les conditions strictes d’une ingérence dans l’exercice de la liberté d’expression mais également les modalités dans lesquelles cette ingérence est proportionnée par rapport au but poursuivi et à la finalité.