La protection des lanceurs d'alerte

La loi n° n° 2022-401 du 21 mars 2022 dite Loi Waserman du nom de l’auteur de la proposition de texte, a été publiée au Journal Officiel.

Elle vise à améliorer la protection des lanceurs d'alerte, consacrée par la loi dite “Sapin 2” de 2016. La Loi comporte ainsi plusieurs mesures très concrètes pour renforcer cette protection.

Les nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er septembre 2022.

Le Législateur souhaite laisser du temps pour permettre de mieux appréhender les améliorations du statut du lanceur d’alerte, tant il s’agit d’un sujet où la pédagogie est nécessaire.

La loi du 21 mars 2022 prévoit tout d’abord une définition plus large des lanceurs d’alerte.

Ainsi, il est précisé le champ des informations considérées comme une alerte et est complété la liste des secrets applicables.

Sera reconnue comme lanceur d'alerte la personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.

Le statut jusqu’alors prévoyait que le lanceur d'alerte devait agir de manière désintéressée. La nouvelle rédaction parle d’absence de contrepartie financière directe.

De plus, la Loi nouvelle vient supprimer la condition selon laquelle le lanceur d'alerte devait avoir personnellement connaissance des faits qu'il signalait. Désormais, un lanceur d’alerte pourra ainsi signaler des faits qui lui ont été rapportés.

Par ailleurs, une des évolutions majeures de la Loi du 21 mars 2022 est la création d’un nouveau statut pour l'entourage des lanceurs d'alerte.

La protection dont il bénéficie est ainsi étendue aux personnes physiques et aux personnes morales à but non lucratif (syndicats et associations) qui sont en lien avec le lanceur d’alerte.

En outre, et pour plus d’efficacité, la nouvelle Loi a simplifié les canaux de signalement. Il existait jusqu’à présent une hiérarchisation des canaux de signalement. Le lanceur d'alerte pourra dorénavant choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l'autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen.

Le nouveau texte vient également ordonnancer les textes applicables en matière de protection des salariés lanceurs d'alerte contre les représailles. En effet, le principe de la protection des salariés lanceurs d'alerte contre les mesures de rétorsion est transféré de l'article L 1132-3-3 du Code du travail à un nouvel article L 1121-2, aux termes duquel :

« Art. L. 1121-2.-Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat, ni de toute autre mesure mentionnée au II de l'article 10-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, pour avoir signalé ou divulgué des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 de la même loi. ». Les sanctions contre les représailles sont de plus renforcées.

La Loi du 21 mars 2022 poursuit son action protectrice à travers un renforcement de l’immunité civile et pénale.

La loi précise que les lanceurs d'alerte ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou divulgation publique, dès lors qu'ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.

Sur le plan pénal, l’article 122-9 du Code pénal prévoit déjà que n'est pas responsable la personne répondant aux critères de définition du lanceur d'alerte qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause et qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi relative aux lanceurs d'alerte. Le nouveau texte complète les faits et personnes couverts par cette immunité pénale.

Parmi les autres dispositions, la Loi a prévu de limiter le coût financier des procédures que doivent engager les lanceurs d'alerte. Il sera ainsi possible en début de procès, que le juge accorde une provision pour frais de justice au lanceur d'alerte qui conteste une mesure de représailles ou une procédure dite “bâillon” à son encontre, comme par exemple une plainte pour diffamation destinée à intimider et réduire au silence le lanceur d'alerte. L'amende civile encourue en cas de procédure “bâillon” contre un lanceur d'alerte est portée 60 000 euros. Des mesures de soutien psychologique seront également proposées aux lanceurs d'alerte.

La rédaction du règlement intérieur avec la nouvelle Loi, devra faire l’objet d’un soin particulier. En effet, les employeurs sont tenus de rappeler dans le règlement intérieur l'existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte afin d'assurer l'information des salariés sur le sujet.

Il est donc très important pour les entreprises de bien appréhender le statut renforcé du lanceur d’alerte qui voit ses possibilités d’action être élargies.

Plus que jamais, la définition de règles claires et mesurables, sur les questions d’éthiques, de conformité, et plus généralement de compliance, doit faire l’objet d’une attention toute particulière des entreprises qui peuvent se retrouver dans une zone de risque en raison de l’extension des sujets pouvant être soumis à une alerte.

Il est dès lors indispensable de limiter ces risques, en amont, par une intégration du droit dans la stratégie définie par les entreprises pour, elles aussi, se protéger !

Olivier COSTA Avocat Associé