Prix prédateurs, entente et compétence dans l’Union

Par un arrêt du 5 juillet 2018, la Cour de justice de l’Union européenne fournit différentes précisions quant à la mise en œuvre de l’article 5, points 3 et 5, du règlement Bruxelles I dans une affaire relative à une entente et à une pratique de prix prédateurs. Une compagnie lituanienne est placée en liquidation judiciaire. Elle estime qu’une compagnie aérienne lettone l’a évincée du marché en appliquant des prix prédateurs sur certaines des liaisons aériennes qu’elle assurait également et que ces prix auraient été rendus possibles par une réduction des tarifs des services aéroportuaires fournis par l’aéroport de Riga, en Lettonie. Cette compagnie en liquidation a alors saisi un juge lituanien d’un recours dirigé contre cette société concurrente et contre cet aéroport, en demandant la réparation des dommages causés par leurs comportements anticoncurrentiels. La compétence de ce juge fut alors contestée, ce qui conduisit à la saisine de la Cour de justice. Avant d’envisager l’apport de l’arrêt du 5 juillet 2018, il est à noter que parallèlement à la procédure engagée devant le juge lituanien, le conseil de la concurrence de Lettonie fut amené à prononcer sur la conformité au droit de l’Union du système de réduction sur le prix de ses services mis en place par l’aéroport de Riga. Ce système fut alors déclaré contraire à l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui dispose qu’est incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci. Cet article 102 précise que ces pratiques abusives peuvent notamment consister à appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence. Trois questions préjudicielles furent posées à la Cour de justice concernant le règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000. C’est en ces termes que la Cour a jugé : 1) L’article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’une action en réparation d’un préjudice causé par des comportements anticoncurrentiels, le « lieu où le fait dommageable s’est produit » vise, dans une situation telle que celle en cause au principal, notamment le lieu de la matérialisation d’un manque à gagner consistant en une perte de ventes, c’est-à-dire le lieu du marché affecté par lesdits comportements au sein duquel la victime prétend avoir subi ces pertes.

2) L’article 5, point 3, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’une action en réparation d’un préjudice causé par des comportements anticoncurrentiels, la notion de « lieu où le fait dommageable s’est produit » peut être comprise comme étant soit le lieu de la conclusion d’un accord anticoncurrentiel contraire à l’article 101 TFUE, soit le lieu où les prix prédateurs ont été proposés et appliqués, si ces pratiques étaient constitutives d’une infraction au titre de l’article 102 TFUE.

3) L’article 5, point 5, du règlement no 44/2001 doit être interprété en ce sens que la notion de « contestation relative à l’exploitation d’une succursale » couvre l’action visant l’indemnisation d’un dommage prétendument causé par un abus de position dominante consistant en l’application de prix prédateurs, lorsqu’une succursale de l’entreprise détenant la position dominante a, d’une manière effective et significative, participé à cette pratique abusive.