Une clause d’arbitrage un traité bilatéral est incompatible avec le droit de l’UE

CJUE, 6 mars 2018, aff. C-284/16, ACHMEA :

Est incompatible avec le droit de l’UE, une clause d’arbitrage d’un traité bilatéral d’investissement entre deux États membres qui soustrait des litiges pouvant porter sur l’application ou l’interprétation du droit européen au mécanisme de contrôle juridictionnel de l’Union. En l’espèce un traité bilatéral d’investissement a été conclu entre deux Etats membres, la Slovaquie et les Pays-Bas. Une clause d’arbitrage précisait que les différends entre un État contractant et un investisseur de l’autre État contractant devaient être réglés à l’amiable ou, à défaut, devant un tribunal arbitral. A la suite d’un litige porté devant le tribunal arbitral, la Slovaquie a soulevé une exception d’incompétence du tribunal arbitral, estimant que la clause d’arbitrage était contraire à plusieurs dispositions du TFUE. Saisi en pourvoi de l’affaire, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a alors demandé à la CJUE si la clause d’arbitrage contestée par la Slovaquie était compatible avec le TFUE. Il convenait de vérifier si, conformément à l’article 19 TUE, la sentence arbitrale rendue par ce tribunal était soumise au contrôle d’une juridiction d’un État membre afin de garantir que les questions de droit de l’Union que ce tribunal pourrait être amené à traiter puissent, éventuellement, être soumises à la CJUE dans le cadre d’un renvoi préjudiciel. La CJUE relève que le tribunal arbitral en cause ne constitue ni un élément des systèmes juridictionnels établis aux Pays-Bas et en Slovaquie ni une juridiction commune à plusieurs Etats membres. Il ne saurait, dès lors, être considéré comme une juridiction d’un des Etats membres et n’est pas habilité à saisir la Cour à titre préjudiciel. Ensuite, elle considère que les Etats membres parties au traité bilatéral ont instauré un mécanisme de règlement des différends susceptible d’exclure que ces litiges, alors même qu’ils pourraient concerner l’interprétation du droit de l’Union, soient tranchés de manière garantissant la pleine efficacité de ce droit. Par ailleurs, l’article 8 du traité bilatéral est de nature, selon la Cour, à remettre en cause le principe de confiance mutuelle entre les Etats membres ainsi que la préservation du caractère propre du droit institué par les traités, assurée par la procédure de renvoi préjudiciel, et n’est pas compatible avec le principe de coopération loyale. Dans ces conditions, la CJUE a estimé que la clause d’arbitrage contenue dans le traité bilatéral porte atteinte à l’autonomie du droit de l’UE et, partant, n’est pas compatible avec celui-ci.