Recevabilité des demandes de fixation et de liquidation d’astreinte formulées à hauteur d’appel

Le principe du double degré de juridiction permet aux parties à un litige de contester la décision rendue en première instance en portant l’affaire devant une juridiction de degré supérieur dans tous les cas qui ne sont pas formellement exceptés par la loi. L’appel ne doit néanmoins pas permettre à son auteur de formuler des demandes nouvelles à la Cour, laquelle ne peut être saisie que des demandes qui ont été soumises aux premiers juges. L’article 561 alinéa 1er du code de procédure civile dispose en ce sens que « l’appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d’appel ». Il résulte de cet effet dévolutif de l’appel que lorsqu’un justifiable invoque pour la première fois en cause d’appel une prétention nouvelle, la Cour doit juger sa demande irrecevable conformément à l’article 564 du code de procédure civile.

Force est néanmoins de constater que de nombreuses exceptions ont été instaurées par le législateur, de sorte que la règle de l’irrecevabilité des prétentions nouvelles en cause d’appel est à relativiser. A titre d’illustration, l’article 563 du code de procédure civile dispose que l’appelant peut invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces et proposer de nouvelles preuves à hauteur d’appel. L’article 564 du même code prévoit quant à lui la possibilité de soumettre des prétentions nouvelles à la Cour si elles ont pour but d’opposer une compensation, de faire écarter les prétentions adverses ou de faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2023, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation est ainsi venue préciser les contours de l’effet dévolutif de l’appel concernant une demande en fixation de l'astreinte définitive visée dans le jugement de première instance et une demande en liquidation de l'astreinte provisoire qui avait continué à courir, demandes formulées pour la première fois à hauteur d’appel.

En l’espèce, une entreprise a été condamnée à restituer du matériel à une société sous astreinte provisoire de 2 000 euros par jour de retard. Le jugement rendu indiquait que passé un délai de quinze jours à compter de sa signification, il serait procédé à la liquidation de l’astreinte provisoire ainsi qu’à la fixation d’une astreinte définitive de 2 500 euros par jour.

Ne parvenant pas à obtenir la restitution de son matériel, la société créancière a saisi le Juge de l’exécution qui a fait droit à la demande de liquidation de l’astreinte provisoire mais a, en revanche, rejeté la demande de liquidation d’une astreinte définitive.

Le jugement rendu par le Juge de l’exécution ayant dit n’y avoir lieu à liquider l’astreinte définitive, la société a interjeté appel et sollicitait, à titre subsidiaire, la fixation d’une astreinte définitive et la liquidation de l’astreinte provisoire pour une période complémentaire.

Estimant que ces demandes formulées à titre subsidiaire constituaient des prétentions nouvelles au sens de l’article 564 du Code de procédure civile, la Cour d’appel de MONTPELLIER les a jugés irrecevables.

A l’appui de son pourvoi, la société reprochait à l’arrêt rendu le 19 mai 2022 d’avoir jugé ses demandes irrecevables sans avoir pris la peine de rechercher si ces dernières ne faisaient pas partie des exceptions prévues aux articles 565 et 566 du code de procédure civile.

Aux termes de ces dispositions, ils font en effet valoir que « les parties peuvent ajouter aux demandes et défenses soumises au premier juge les demandes qui tendent aux mêmes fins ou qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».

Partageant l’argumentation développée par la demanderesse, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 19 mai 2022 en ce qu’il juge irrecevables comme nouvelles en cause d’appel les demandes subsidiaires formées par la société.

Cette jurisprudence permet ainsi d’étayer les exceptions faites au principe de l’effet dévolutif de l’appel en matière de fixation d’astreinte définitive et de liquidation d’astreinte provisoire.

Santina MAGNIER