L’expertise de gestion : une procédure permettant d’améliorer l’information des actionnaires minoritaires

L’expertise de gestion, encadrée par le Code de Commerce, constitue l’une des principales prérogatives conférées par la loi aux associés minoritaires d’une société. En effet, non seulement elle permet à ces associés de pouvoir solliciter des informations complémentaires, relatives à la gestion de la société afin de pouvoir participer aux votes en connaissance de cause, mais en sus, elle contribue à la protection de l’intérêt général et ce, dès lors qu’elle peut être sollicitée tant par un comité d’entreprise, que par le parquet ou l’autorité des marchés financiers (AMF) dans les sociétés émettant des offres au public de titres.

Bien que ce droit essentiel s’applique aux sociétés de capitaux à l’instar des sociétés anonymes, des sociétés en commandite par actions, des Sociétés par actions simplifiées mais a également été étendue pour les sociétés à responsabilité limitée, la procédure entourant l’expertise de gestion est toutefois différente suivants la forme juridique de la société.

En effet, un associé est en mesure de solliciter du juge près le Tribunal de commerce compétent la désignation d’un expert judiciaire, s’il considère que les opérations menées par la société sont litigieuses ou discutables mais dans le respect de certaines conditions.

Pour une société anonyme ou une société par actions simplifiée, la demande d’expertise de gestion est encadrée par les articles L.225-231 et 22-10-60 du Code de commerce. A ce titre, les demandeurs de l’expertise doivent détenir individuellement au moins 5% du capital social. Pour les SARL, les associés doivent individuellement détenir au moins 10% du capital social de la société comme le prévoit l’article L223-7 du même Code.

Le pourcentage de capital social détenu étant obligatoirement apprécié à la date de l’introduction de la demande par-devant le Tribunal de Commerce comme a pu le préciser la Haute juridiction dans un arrêt du 6 décembre 2005 n°04-10287.

En outre, en amont de toute demande de désignation d’un expert judiciaire, les associés doivent impérativement avoir posé par écrit au président ou au dirigeant, une ou plusieurs questions inhérentes à la gestion de la société. A défaut de retour dans un délai d’un mois ou de réponse satisfaisante, les associés pourront saisir le Tribunal. Cette règle ne s’applique cependant pas aux SARL, les demandeurs étant dispensés de cette étape préalable.

Enfin, l’objet de la demande présentée devant les juges par les associés doit être précis et restreint, c’est-à-dire qu’il ne doit se référer qu’à une ou plusieurs opérations déterminées de la gestion. Il ne doit pas résider en un contrôle général de la société et de toutes les opérations menées au quotidien. Afin d’avoir plus de poids devant les juges, la demande doit donc avoir un caractère sérieux, à l’instar d’une atteinte à l’intérêt social (Cass.10 février 1998 n°96-11988) ou de la présence d’une irrégularité dans une opération réalisée.

Cette restriction relative à la demande d’expertise de gestion s’étend également comme suit :

- Elle ne doit concerner que les décisions de gestion de la société prises par le dirigeant ou le président et non les décisions prises par l’assemblée des associés. (Cass.com 2012 n°11-18312) ;

- Les actionnaires d’une filiale ne peuvent pas solliciter une expertise de gestion sur la société mère ou sœur (Cass.com 10 septembre 2013 n°12-16.509) ;

- Il doit être justifié d’un motif légitime, d’un intérêt à agir et de l’urgence de la demande.

En cas de retour favorable des juges, l’expert judiciaire désigné verra sa mission et ses pouvoirs déterminer par les juges. Le rapport réalisé est par la suite adressé aux demandeurs, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes, au conseil d’administration ou directoire, au conseil de surveillance et dans les sociétés cotées à l’AMF.

Toutefois, parmi les restrictions entourant la demande d’expertise de gestion, la présomption d’irrégularités affectant une ou plusieurs opération(s) de gestion déterminée(s) peut être difficile à apporter en l’absence d’informations idoines sur la société par les associés minoritaires.

A ce titre et dans un arrêt récent du 5 avril 2023 n°21-23289 , la Cour de Cassation a considéré que la mise en location-gérance d’un fonds de commerce, dans une SARL, était considérée comme irrégulière pour n’avoir pas été soumise à la procédure de contrôle des conventions réglementées. Elle demeurait ainsi une procédure non-courante justifiant la mise en place d’une expertise de gestion.

Ainsi, la jurisprudence vient lentement étayer « les présomptions graves d’irrégularités » permettant aux actionnaires minoritaires et parfois lésés dans les informations qui leurs sont confiées, d’avoir plus de pouvoir lorsque les circonstances le justifient.

Jurisprudences à suivre.

Alicia COLLOT