La responsabilité du franchiseur engagée en cas de transmission d’une étude de marché irréaliste au franchisé.

Dans un arrêt récent rendu par la Cour de Cassation (Cass.com.18-10-2023 n°22-19.329), les juges ont condamné un franchiseur à verser la somme de 51.000 € à titre de dommages et intérêts au dirigeant d’une société franchisée et ce, au motif qu’il n’avait pas transmis une étude de marché local sincère, réaliste et sérieuse.

En l’espèce, une société franchisée et spécialisée dans la conception la fabrication et la distribution de meubles de cuisine et de salle de bain a été mise en liquidation judiciaire. Le dirigeant a dès lors reproché au franchiseur un défaut d’information en amont de la conclusion du contrat de franchise, l’étude portée par ce dernier étant, selon le franchisé, vraisemblablement erronée.

En effet, l’expert-comptable du franchisé avait affirmé que le chiffre d’affaires de 1.200.000 € HT prévu dans l’étude de marché n’était pas atteignable. En sus, afin que le franchisé puisse s’implanter géographiquement, le franchiseur lui avait transmis une « étude géomarketing » évaluant le chiffre d’affaires prévisionnel à la somme de 1.328.584 € HT. Le dossier que le franchisé avait présenté à son établissement bancaire, accompagné du franchiseur, comprenait également une étude sur la zone de chalandise et la concurrence locale.

Pour sa défense, le franchiseur a affirmé qu’il incombait au franchisé d’étudier la faisabilité de son projet en procédant lui-même à l’étude de marché locale.

Argument écarté par la Haute juridiction, laquelle a affirmé qu’eu égard au fait que le franchiseur ne soit pas tenu par la loi d’établir une étude de marché, à partir du moment ou il présente ce document, ce dernier doit être sincère conformément à l’article L 330-3 du Code de commerce lequel dispose que :

« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause. Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités. Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit. Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent ».

Aussi, le franchisé n’était pas en mesure de connaître la zone alors même que le franchiseur avait connaissance du chiffre d’affaires réalisé par les autres franchisés dans des zones comparables. Force est de constater que le franchiseur s’était montré beaucoup trop optimiste et ses prévisions non-objectives ont conduits le franchisé à s’installer en l’absence d’éléments objectifs.

Par cet arrêt, le législateur tend ainsi à protéger la partie faible du contrat, en l’occurrence le franchisé, en réaffirmant qu’un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité imposait un maximum d’informations sur l’activité concernée afin que ce dernier puisse s’engager en connaissance de cause dans un tel projet. Cette obligation d’information sincère par le franchiseur devant être effective, pas seulement au moment de la signature du contrat, bien en amont de la conclusion du contrat.

Toutefois, eu égard à cette obligation pesant sur le franchiseur à partir du moment où il s’engage à transmettre une étude de marché, il n’en demeure pas moins que le franchisé est également tenu de se renseigner de son côté comme diverses jurisprudences ont pu le rappeler. (Cass. com., 28 mai 2013, préc. ; v. aussi, par ex., CA Paris, 2 juill. 2014, n°11/19239 ; CA Paris, 7 oct. 2015, n°13/09827). En effet, ce dernier ne saurait se prévaloir d’une insuffisance de l’information précontractuelle lorsqu’il n’a pas réalisé de son côté une étude de marché.

Pour autant et là encore, le franchiseur doit transmettre au franchisé les éléments idoines lui permettant de déterminer les performances attendues. (Cass.com, 22 septembre 2023 n°20-12239)

« certes il appartient aux franchisés d’analyser leur choix d’implantation en une étude de marché mais ils ne disposaient pas des éléments leur permettant d’en déduire les performances attendues puisqu’ils ignoraient – au moins initialement jusqu’à l’ouverture – les produits à vendre et la politique commerciale qui allait être promue et développée par le réseau auquel ils adhéraient en toute confiance, et qu’ils rémunéraient précisément pour limiter les risques commerciaux et s’assurer certains paramètres de réussite ».

De la même manière, il pourrait être reproché au franchiseur la nature des documents transmis, trop optimistes, faussés ou encore l’absence de transmission d’éléments importants et permettant au franchisé de s’installer en connaissance de cause.

Les diverses jurisprudences citées démontrant dès lors, l’importante responsabilité qui pèse sur les franchiseurs.

Alicia COLLOT