Marchés publics : la rentabilité au détriment de l’exemplarité énergétique

Le décret n°2016-412 du 7 avril 2016 est venu transposer l’article 6 de la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l’efficacité énergétique concernant l’achat public durable. Cette directive impose aux Etats membres de veiller à ce que leurs gouvernements centraux n’acquièrent que des produits, services ou bâtiments à haute performance énergétique. Cette obligation est donc désormais transposée en droit interne pour tous les marchés d’acquisition de produits et de services ou de bâtiments, mais elle s’efface au profit de la rentabilité de telles opérations.

Cette obligation, insérée par le présent décret dans la partie réglementaire du Code de l’énergie au sein d’un nouveau chapitre intitulé « Performance énergétique dans la commande publique », est à la charge des organismes publics, c’est-à-dire l’Etat, mais également ces établissements publics administratifs à caractère national. Dès lors, ces derniers sont tenus d’acheter uniquement des produits à haute performance énergétique, d’imposer à leurs partenaires le recours à de tels produits pour l’exécution de services résultant des marchés publics, ainsi que d’acheter ou prendre le bail pour des bâtiments uniquement à haute performance énergétique. Cette obligation concerne cependant que les marchés publics et contrats dont le montant est égal ou supérieur aux seuils européens publiés au Journal Officiel de la République française, à savoir 135 000€ HT pour les achats de fournitures et de services ou 5 225 000€ HT pour les travaux publics. En outre, par simplicité, ces dispositions ne s’appliquent pas aux bâtiments déjà existants si la date de dépôt du permis de conduite relève a minima de la règle thermique de 2012. Le décret précise ce qu’il entend comme « haute performance énergétique » d’une part pour les produits et services, en faisant référence notamment au droit européen, d’autre part pour les bâtiments, par l’attribution d’un label ou encore selon des critères prévus dans le Code de la construction et de l’habitat.

Ainsi, les premiers articles de ce décret nous laissent croire à la primauté de la performance énergétique dans la conclusion des marchés publics par les organismes publics. Néanmoins, au vu des dérogations prévues par ce même décret, cette obligation d’exemplarité énergétique est vite abandonnée face à la nécessité de rentabilité. En effet, par transposition pure et simple de la directive 2013/27/UE, le présent décret prévoit cinq situations faisant obstacle à cette exigence de performance énergétique. Ainsi le non-respect de cette obligation est excusée lorsque :

- Le rapport d’efficacité énergétique attendue et du coût est très nettement défavorable

- La faisabilité économique, c’est-à-dire l’incapacité à acquitter le prix initial et de supporter au moins le coût de la maintenance et des pièces détachées, est absente

- La durabilité du recours au bâtiment est moindre

- L’inadéquation technique est établie

- Le niveau de concurrence est insuffisant

La présence d’au moins un de ces éléments est une justification pour relayer la nécessité de performance énergétique au second plan. Il est vrai que remplir des objectifs à la fois de rentabilité et d’efficacité énergétique apparaît souvent difficile. Mais les dérogations prévues par la directive 2012/27/UE ne vident-elles pas de son sens l’obligation pour les organismes publics d’acquérir des produits, services ou bâtiments performants énergétiquement ? il est fort probable que cette exigence d’efficacité énergétique soit souvent voire toujours confronter à l’exception de rentabilité.