Rupture de relations commerciales : la Cour de cassation réfute de la crise économique comme justification

Com. 8 nov. 2017, F-P+B+I, n° 16-15.285

Dans un arrêt du 8 novembre 2017, la chambre commerciale écarte l’application de l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce à la rupture de relations commerciales entre un distributeur de chemises français et son sous-traitant bangladais au regard de la crise conjoncturelle affectant le marché du textile.

Les sociétés française (Dorsey) et bangladaise (Esquiss) ont débuté leurs relations d’affaires en 2000, la société Esquiss assurant la maîtrise d’œuvre de chemises fabriquées au Bangladesh pour le compte de la société Dorsey qui lui payait des commissions calculées en fonction du volume des commandes. À partir d’octobre 2008, la société Dorsey n’avait plus passé de commandes régulières mais de façon ponctuelle en 2009 et début 2010.

Par lettre du 5 janvier 2010, la société Esquiss avait annoncé à son cocontractant une augmentation sans délai du coût unitaire des chemises en motivant que la baisse des commandes augmentait ses coûts de production. Quelque temps après, elle a assigné le distributeur en paiement de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce. La cour d’appel de Paris a rejeté ses demandes.

Dans son pourvoi en cassation, la société Esquiss invoque une rupture brutale partielle des relations commerciales en raison de l’absence de commandes pendant plusieurs mois consécutifs en 2009, ainsi qu’une diminution des commandes de 75 %.

Pour apprécier l’existence ou non d’un comportement abusif de la part du distributeur, les juges du fond se sont intéressés uniquement à la situation économique des cocontractants. Ils ont ainsi pu relever que la crise économique affectait aussi bien le distributeur qui enregistrant une baisse de son chiffre d’affaires de 15 % avait diminué le nombre de ses commandes que le fournisseur qui ayant reçu de faibles commandes avait dû augmenter ses coûts de production.

Il semblerait que cet arrêt soit le premier par lequel la Cour de cassation confirme un arrêt d’appel qui écarte l’application de l’article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce au motif de l’existence d’une crise économique conjoncturelle sur un marché donné. Certains ont estimé que cet arrêt a été rendu dans le prolongement du nouvel article 1195 du code civil qui consacre désormais la révision par le juge judiciaire du contrat pour imprévision.