Le dénigrement, un comportement constitutif de concurrence déloyale

En vertu du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, les entreprises peuvent librement se faire concurrence, toutefois il arrive que certaines d’entre elles abusent de ce droit à une concurrence libre, on parle alors de concurrence déloyale. Une des manifestations de la concurrence déloyale est le dénigrement, qui a pris une dimension nouvelle aujourd’hui avec notamment le développement des nouveaux moyens de communication.

1/ La notion de dénigrement Pour la doctrine, le dénigrement constitutif de concurrence déloyale consiste à jeter publiquement le discrédit sur la personnalité, les produits ou les prix de l’entreprise concurrente. Plus précisément l’article L120-1 du Code de la consommation prévoit que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites ». Par ailleurs le texte précise qu’ « une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ». Constituent en particulier des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses ou agressives. En vertu de l’article L121-1 dudit code « Une pratique commerciale est trompeuse lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent; lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ». Pour être considéré comme fautif, le dénigrement peut être dirigé soit contre la personne du concurrent, soit contre l’entreprise concurrente soit encore sur ses produits ou services, les prix pratiqués par le concurrent ou les méthodes employées par celle-ci. Par ailleurs le discrédit jeté sur le concurrent peut être direct ou indirect. Il sera considéré comme direct si le concurrent vise clairement le concurrent pour critiquer ses produits ou services. Le dénigrement indirect consiste à s’attribuer, ou à attribuer à ses produits, ou même plus subtilement de le suggérer, des qualités que n’ont pas les produits ou entreprises concurrentes. On parle alors de dénigrement par omission. Pour pouvoir être sanctionné le dénigrement doit être public.

2/ La décision de la Cour d’appel de Paris du 27 janvier 2016 La Cour d’Appel de Paris du 27 janvier 2016 a récemment jugé que la société qui informe ses partenaires commerciaux de la condamnation de son concurrent pour concurrence déloyale, sans préciser qu’il y avait appel et en divulguant des informations malveillantes à son sujet, se rend coupable de concurrence déloyale par dénigrement. La société Lamalo, spécialisée dans la commercialisation de produits cosmétiques pour surfeurs avait été condamnée en 2012 pour avoir commis des actes de concurrence déloyale envers Everything for riders (E4R), société qui fabrique et commercialise des produits cosmétiques pour les sportifs. Lamalo a interjeté appel de cette décision et a obtenu l’infirmation du jugement le 18 octobre 2013. Le 15 janvier 2013 cependant, E4R envoyait des emails à des distributeurs les informant de la condamnation en première instance de son concurrent, sans préciser que ce jugement n’était pas définitif. Elle expliquait que Lamalo avait repris ses concepts et visuels en relation avec ses produits, ce qui lui a été interdit par le tribunal ainsi que la commercialisation de ses marques. E4R a également publié un communiqué sur sa page Facebook accessible à tous les internautes et un message sur son compte Twitter. Lamalo a assigné son concurrent pour dénigrement et a obtenu gain de cause. Il s’avère que des partenaires commerciaux ont mis un terme à leur collaboration avec la société dénigrée en raison de sa mauvaise image. La cour d’appel a donc confirmé l’estimation du préjudice subi et a condamné la société fautive à verser 100 000 € de dommages-intérêts.

Il a été jugé que « caractérise un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale le fait de jeter le discrédit sur une entreprise concurrente en répandant des informations malveillantes sur les produits ou la personne d’un concurrent pour en tirer un profit ».

Les juges considèrent par ailleurs que des allégations « peuvent être constitutives de dénigrement quand bien même l’information divulguée serait exacte ou de notoriété publique, l’exception de vérité n’étant pas applicable en matière de dénigrement ».

Les juges estiment enfin que l’appelante a jeté publiquement le discrédit sur la défenderesse « en divulguant des informations malveillantes tant sur ses produits que sur l’entreprise elle-même dans le but, non d’informer objectivement et de manière désintéressée la clientèle et les partenaires commerciaux mais de détourner ceux-ci à son profit, pour s’emparer de la part de marché et plus généralement de lui nuire en se positionnant auprès de ses partenaires commerciaux comme la seule société fabriquant des produits authentiques, de sorte que la concurrence déloyale par dénigrement est établie ».

Ainsi, peu importe que l’information soit vraie, si elle a été divulguée dans le but de jeter le discrédit sur une entreprise dans le but, non d’informer objectivement, mais de détourner la clientèle et les partenaires commerciaux à son profit et de lui nuire. Il est au demeurant rappelé par la Cour d’Appel que l’exception de vérité, en matière de diffamation, n’est pas applicable dans le cadre du dénigrement.