Réforme du système français de régulation de la concurrence

La loi de modernisation de l'économie (LME) promulguée le 4 août 2008, prévoit la transformation du Conseil de la Concurrence, crée en 1986, en une autorité unique et indépendante : l'Autorité Nationale de la Concurrence (ANC). Cette transformation opérée par voie d'ordonnance devra avoir lieu dans les 6 mois de la promulgation de la loi, c'est à dire au plus tard en janvier 2009, et entraîne un certain nombre de modifications notamment en matière d'organisation et d'attributions.

Si les attributions de l'ANC continueront d'être exercées par un collège de 17 membres, la répartition et la nomination de ceux ci seront quelque peu différentes. Alors que le président du Conseil de la concurrence était choisi parmi les membres ou anciens membres de la Cour de Cassation, du Conseil d'Etat ou de la Cour des Comptes pour un mandat de six ans indéfiniment renouvelable, l'ANC sera désormais présidée par une personne désignée par décret du ministre de l'économie pour une durée de cinq ans renouvelables une seule fois, en fonction de ses compétences juridiques et économiques. Il sera assisté de quatre vice-présidents désignés parmi les membres du collège et dont la moitié seront des personnalités. Rappelons que l'ancien régime n'en comptait que trois.

Quant au collège, le nombre de magistrats est abaissé de huit à six, tandis que le nombre de personnalités choisies en raisons de leurs compétences en matière économique ou en matière de concurrence et de consommation acquiert un membre supplémentaire. En revanche, le nombre de personnalités exerçant ou ayant exercé leurs activités dans les secteurs de la production, de la distribution, de l'artisanat, des services ou des professions libérales reste le même.

En matière d'attribution, l'ANC n'a plus vocation à partager ses fonctions avec le pouvoir exécutif puisqu'elle sera dotée de forces d'enquête propres et d'un service d'instruction unifié, intégrant activités d'enquête et d'instruction. En effet, le Conseil de la concurrence partage actuellement ses fonctions avec la DGCCRF, placée sous la direction du Ministre de l'économie, et lui emprunte même ses agents dix fois plus nombreux que les salariés du Conseil de la concurrence.

En outre, la loi LME renforce les moyens d'actions de l'ANC afin d'améliorer sa lisibilité et son efficacité dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. En effet, la loi lui permet d'émettre des avis sur toute question de concurrence non seulement sur saisine mais aussi nouvellement, de sa propre initiative. La loi lui donne également compétence pour toutes les demandes d'autorisation en matière de concentrations, compétence qui relève aujourd'hui du Ministre chargé de l'économie. En cette matière, la nouvelle autorité de concurrence sera habilitée à examiner ces demandes, à effectuer un bilan concurrentiel et à autoriser ou non la concentration sous réserve des engagements pris par les entreprises. Toutefois, le pouvoir exécutif pourra, dans les vingt cinq jours ouvrés à compter de la date de réception de la décision de l'ANC, ne pas suivre sa position pour des raisons motivées d'intérêt général qui compenseraient l'atteinte portée à la concurrence par la concentration.

Dans un contexte économique et européen promoteur du libre jeu de la concurrence, la transformation du Conseil de la concurrence en Autorité indépendante plus efficace semble aller dans le bon sens. Cependant, des interrogations d'ordre pratique ont été soulevées par le Conseil de la concurrence lui-même dans son avis du 18 avril 2008. Celui-ci a indiqué que “l'abaissement du nombre de magistrats, en particulier parmi les membres permanents, compliquera grandement le fonctionnement de l'Autorité, s'il ne rend pas impossible le respect des conditions imposées au collège pour siéger. Il est en effet nécessaire qu'un magistrat soit présent pour qu'une section du collège puisse valablement se réunir. Or, les membres non permanents possédant le statut de magistrat ont leurs propres obligations professionnelles et ne sont donc pas toujours disponibles pour siéger.