Etendue de l’obligation du bailleur de justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise

La loi du 6 juillet 1989 régit les rapports entre locataires et bailleurs et encadre de manière stricte la possibilité, pour ces derniers, de résilier le contrat de bail. Dans une optique de protection des locataires dont le bail entre dans le champ d’application de cette loi, un bailleur ne peut tenir en échec le droit à la tacite reconduction ou au renouvellement du bail dont dispose son locataire que s’il délivre au preneur au moins six mois avant l’échéance du terme un congé, lequel ne peut être délivré que pour certains motifs. Il ressort, en effet, de l’article 15 de cette loi que le bailleur ne peut rompre unilatéralement le bail que dans les cas suivants : s’il souhaite habiter personnellement le bien loué ou y faire habiter un membre de sa famille, s’il vend le logement et enfin si le locataire n’exécute pas correctement ses obligations.

Afin de lutter contre les congés frauduleux, le législateur est venu poser le principe selon lequel le préavis donné par le bailleur doit, à peine de nullité, comporter certaines mentions. A défaut, le locataire peut contester ledit congé et éventuellement obtenir sa réintégration dans le logement, voire également le versement de dommages-intérêts. De manière non-exhaustive, la loi dispose ainsi que le congé doit indiquer le motif de reprise allégué, le nom et l’adresse du bénéficiaire de la reprise, la nature du lien existant entre le repreneur et le bailleur ou bien encore justifier du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise.

Dans la présente affaire, le propriétaire bailleur d’une maison à usage d’habitation a, le 2 décembre 2019, fait délivrer à ses locataires un congé pour reprise du logement à effet au 30 septembre 2020.

Estimant que ce préavis était frauduleux, les locataires se sont maintenus dans le bien et ont assigné leur bailleur en annulation du congé devant le Juge des contentieux de la protection, juridiction exclusivement compétente pour connaître des litiges nés en exécution d’un contrat de bail d’habitation.

Le jugement rendu le 1er avril 2021 ayant déclaré valable et régulier le congé pour reprise et ordonné l’expulsion des locataires, ces derniers ont porté le litige devant la Cour d’appel de DOUAI laquelle a confirmé la décision de première instance.

A l’appui de leur pourvoi, les locataires reprochaient à l’arrêt rendu le 19 mai 2022 d’avoir déclaré le congé valable alors même qu’au moment de sa délivrance, le bailleur ne justifiait pas du caractère réel et sérieux de sa décision de reprendre le logement pour y habiter.

Il en résulte, selon eux, que les justifications apportées par leur bailleur postérieurement au congé tels que son souhait de déménager suite au décès de son épouse, la souscription de contrats de fourniture d’eau, de gaz et d’électricité ou bien encore son inscription sur les listes électorales de la commune concernée ne pouvaient donc pas être pris en compte.

Ne partageant pas l’argumentation développée par les demandeurs, la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi et retient que c’est à bon droit que la Cour d’appel a tenu compte d’éléments postérieurs au congé, « la prescription de la justification du caractère réel et sérieux de la décision de reprise à titre de condition de forme du congé n’étant pas édictée à peine de nullité. »

Santina MAGNIER