Data Act

Face à la recrudescence des commentaires haineux sur les réseaux sociaux, et à la prolifération de la contrefaçon sur les plateformes, il devenait urgent de proposer un nouveau cadre normatif.

C’est ainsi que le 23 avril 2022, les institutions européennes ont conclu un accord relatif au règlement sur les services numériques.

Souvenez-vous que le 16 décembre 2020, la commission européenne a rendu publique une proposition duale de réglementation, le DIGITAL SERVICES ACT et le DIGITAL MARKETS ACT destinés entre autres à contenir la puissance des GAFA.

Le DIGITAL SERVICES ACT (DSA) vise tous les « fournisseurs de services intermédiaires » ce qui renvoie aux FAI, aux hébergeurs, et aux plateformes en ligne. Il fait toutefois une différenciation pour les « très grandes plateformes » du type Amazon, Booking.com etc.

Le DSA n’est pas une révolution dans la responsabilité des plateformes en ce qu’il ne modifie que peu le régime de la Loi pour la confiance dans l'économie numérique, la LCEN.

Pour rappel, les plateformes, qui sont les principales visées par ledit règlement, sont juridiquement qualifiées « d’hébergeur ». A l’inverse d’un éditeur, l’hébergeur tient un rôle passif dans l’intermédiation de son service et de ses utilisateurs.

Ils bénéficient dès lors d’un régime très favorable de responsabilité, en ce qu’ils ne sont quasiment jamais responsables pour le contenu illicite publié. En réalité, ils engagent leur responsabilité qu’à partir du moment où ils sont notifiés dudit contenu illicite selon un formalisme particulier, et qu’ils n’agissent pas rapidement à son retrait.

En l’état du DSA, le régime légal de responsabilité atténuée est maintenu, autrement dit, l’hébergeur / plateforme n’engage sa responsabilité que si le contenu était manifestement illicite et qu'il n'a pas agi promptement pour le retirer à compter de la notification.

Il ne faut pas s’étonner de ce régime favorable, car il permet, dans une certaine mesure, de ne pas inciter les plateformes à « censurer » la moindre publication par crainte de voir sa responsabilité engagée.

Le DSA énonce ensuite les obligations imposées à tous les prestataires visés par le règlement (art. 10 à 13). Dans leurs CGU/CGV, ils devront désormais informer les utilisateurs sur les mesures prises pour la modération de contenus, incluant les prises de décisions par algorithmes ou la modération effectuée par des êtres humains (art. 12, § 1).

De plus, les plateformes en lignes devront mettre en place un mécanisme aisément accessible qui permet à toute personne de leur notifier un contenu illicite (art. 14, § 1), ce qui changerait du formalisme imposé par la LCEN.

Le commissaire européen au Marché intérieur, Monsieur Thierry Breton, après avoir évoqué la nécessité de remettre de l’ordre dans le « Far West numérique », a commenté l’adoption du DSA en ces termes : « Avec le DSA, l'époque où les grandes plateformes numériques pouvaient se comporter à leur guise en raison de leur puissance est révolue ».

Le texte final du DSA doit désormais être soumis au Comité des représentants permanents (Coreper) pour approbation. Il reviendra ensuite devant les députés européens pour une adoption finale, et entrera en vigueur 20 jours après sa publication au Journal Officiel (JO) de l’UE. Il s’appliquera quinze mois plus tard. Ces nouvelles règles devraient donc rentrer en vigueur fin 2023, début 2024.

Hasard du calendrier, le 25 avril 2022, deux jours après l’adoption du DSA, a été annoncé aux Etats-Unis, le rachat pour 44 milliards de dollars du réseau social Twitter par Elon Musk qui a annoncé vouloir faire de Twitter un espace de débat le plus ouvert possible, ce que précisément le DSA veut réguler.

Les débats n’ont pas fini d’être houleux.

Aurélie PUIG