L’indemnisation des préjudices liés à la vaccination contre la Covid-19

Alors que la campagne de vaccination contre la Covid-19 s’accélère en France, des inquiétudes sont exprimées sur l’efficacité du vaccin, les potentiels effets secondaires, les conséquences physiques d’un tel produit sur le corps humain…

Effectivement, alors que la création et mise en circulation d’un vaccin dure habituellement plusieurs années, le temps est laissé à la recherche des potentiels effets secondaires. Il en est différemment concernant les vaccins mis en circulation dans le cadre de la lutte contre la pandémie actuelle.

Il appartient alors aux juristes de s’interroger sur les conséquences juridiques de potentiels effets secondaires de ces injections.

La question est d’ores et déjà évoquée par le Code de la santé publique concernant les vaccins obligatoires. L’article L3111-9 dudit Code, basé sur un régime de responsabilité sans faute, prévoit la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire. Cette indemnisation est assurée par l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, affections iatrogènes et affections nosocomiales (ONIAM).

Pour autant, et alors même que le vaccin contre la Covid-19 n’est pas rendu obligatoire, l’Etat français a considéré que l’indemnisation des victimes d’effets secondaires liées à la campagne de vaccination prévue par l’article 55-1 du décret du 16 octobre 2020, serait également assurée par l’ONIAM.

A ce titre, l’ONIAM est le seul organisme compétent pour intervenir dans l’indemnisation des victimes, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) n’intervenant pas dans ce cas de figure.

Cela emporte des avantages indéniables pour les victimes d’effets secondaires du vaccin dans la mesure où il s’agit d’une procédure non contentieuse, donc plus rapide, et gratuite pour les victimes. La présence d’un Avocat n’est également pas obligatoire.

Toutefois, il y a évidemment des limites à une telle prise en charge. Tout d’abord, la présence d’un avocat aux côtés d’une victime de dommage corporel sera toujours recommandée. En effet, il est impératif qu’une expertise médicale soit menée afin de permettre une discussion médico-légale précise avec l’organisme de solidarité nationale. Or, l’étude des différents postes de préjudices auxquels pourraient prétendre une victime doit être étudiée par un juriste rôdé aux pratiques du droit du dommage corporel.

En outre, une autre limite – et non des moindres – est relative à l’intervention même de l’ONIAM. Effectivement, il est constant que l’ONIAM utilise des barèmes d’indemnisations inférieurs à ceux utilisés par les praticiens du Droit devant les juridictions civiles et même administrative, ce qui est naturellement préjudiciable pour la victime.

Cela peut se justifier dans l’ensemble des autres cas car l’ONIAM intervient au titre de la solidarité nationale dans le cadre d’accidents médicaux non fautifs, affections iatrogènes et infections nosocomiales. De toute évidence, aucun responsable ne pouvait être alors en mesure de prendre en charge l’indemnisation des victimes. Or dans le cas des vaccins développés pour lutter contre la pandémie de la Covid-19, il est difficilement concevable qu’il n’y ait aucun responsable.

Compte tenu de l’urgence sanitaire à laquelle le monde entier doit faire face, il est entendable que les professionnels de santé ne voient pas nécessairement leur responsabilité engagée en cas de faute. Tel n’est toutefois pas, l’espère t-on, le cas des fabricants du vaccin.

Sur ce point, il serait d’usage d’envisager la responsabilité des fabricants du fait des produits défectueux, édictée à l’article 1245 du Code civil, qui dispose que : « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime. »

Ce régime de responsabilité a vocation à s’appliquer aux produits de santé et notamment aux vaccins, tel que cela a pu être le cas avec le virus contre la Grippe H1N1. Dès lors que le produit n’offre pas la sécurité à laquelle nous pouvons valablement nous attendre, le producteur et/ou le fabricant pourront voir leur responsabilité engagée.

Toutefois, et comme tout régime de responsabilité civile, il sera nécessaire pour la victime de rapporter la preuve du défaut, d’un dommage et d’un lien causal entre chacun. Si la preuve de la défectuosité du produit peut être rapportée, encore faut-il également que le dommage subi par la victime soit en relation certaine et directe avec ce défaut. Or, là encore, une telle conclusion n’est pas si simple et nécessiterai très certainement l’intervention d’un médecin Expert, à même de revenir sur l’origine du dommage subi.

Depuis de nombreuses années, les laboratoires ont déjà fait l’objet de poursuites judiciaires suite aux effets indésirables des vaccins qu’ils ont pu fabriquer. A la lecture des différentes décisions intervenues en la matière, force est de constater que les juridictions considèrent que l’existence d’indices suffisamment graves, précis et concordants permettaient de faire droit aux réclamation des victimes.

A titre d’exemple, suite à l’injection du vaccin contre l’Hépatite B, des personnes ont vu leur état de santé se dégrader, certains même présenter des maladies telles que la sclérose en plaques. Des actions ont été intentées à l’encontre des laboratoires, et notamment l’institut Pasteur qui a fabriqué le vaccin.

La cour de cassation rendait sa solution au visa de l’article 1386-4 du Code civil ancien (1245 nouveau), et retenait que : « Attendu qu’en se déterminant ainsi, par une considération générale sur le rapport bénéfice/risque de la vaccination, après avoir admis, en raison de l’excellent état de santé antérieur de Jack X…, de l’absence d’antécédents familiaux et du lien temporel entre la vaccination et l’apparition de la maladie, qu’il existait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de dire que le lien causal entre la maladie et la prise du produit était suffisamment établi, sans examiner si les circonstances particulières qu’elle avait ainsi retenues ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des trois doses administrées à l’intéressé, ». (Cass. 1re civ., 26 sept. 2012, n° 11-17.738)

Au fil des jurisprudences, la Cour de cassation a opéré une appréciation extrêmement rigoureuse relative au contexte du patient, en précisant parfois les présomptions graves, précises et concordantes sur d’autres pans. Effectivement, plus récemment la Haute Juridiction a, en sus des éléments rapportés d’ores et déjà en 2012, pris en compte la rareté de la survenance de la sclérose en plaque chez l’enfant. (Cass. 1ère civ.n° 20 décembre 2017, n°15-12.882)

De toute évidence, le justiciable devra rapporter la preuve précise du lien de causalité entre les dommages subis et l’injection du vaccin, de sorte que, si l’ensemble de ces conditions étaient réunies, la responsabilité du laboratoire fabricant pourrait être engagée. Si le chemin juridique pour y parvenir peut être long et complexe, de nombreux débats sont intervenus récemments sur ce point suite au déploiement des différents vaccins contre la Covid-19 sur le territoire français. Ces interrogations trouvent leur source notamment dans la négociation qui semblerait être intervenue entre la Commission Européenne et le laboratoire AstraZeneca. En effet, ce n’est pas la France directement qui négocie l’approvisionnement des vaccins, mais bien l’Union Européenne. Les négociations ne sont pas rendues publiques mais la Commission Européenne a toutefois apporté des précisions sur ces éléments, accessibles directement sur son site internet. En effet, elle rappelle que les contrats d’approvisionnement sont conclus conformément aux règles juridiques protégeant les droits des citoyens. Néanmoins, des compensations financières semblent avoir été négociées par le laboratoire AstraZeneca « afin de compenser les risques pris par les fabricants ». Il est néanmoins précisé que « la responsabilité reste endossée par les sociétés. »

A ce jour, la responsabilités des laboratoires fabricants de nos vaccins ne semble pas particulièrement limpide. Une chose est sûre, l’action initiée par une victime à l’encontre d’un laboratoire fabricant nécessiterai de longues années d’investigations, d’expertises tant médicales que pharmaceutiques, avec une chance de succès plus difficile à cerner.

C’est très clairement en ce sens que l’Etat a mis sur le devant de la scène l’ONIAM, afin de procéder à une indemnisation plus rapide de la victime des conséquences dommageables d’un vaccin.

Attention toutefois, car si cette situation complexe peut trouver à s’appliquer dans les cas précités mettant en application uniquement le droit français, cela peut être plus délicat concernant les vaccins actuellement utilisés pour lutter contre la pandémie.

Effectivement, à ce jour, quatre vaccins sont autorisés sur le territoire français : Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Janssen. Or, aucun laboratoire ayant fabriqué ce vaccin ne se trouve sur le sol français.

En application des règlements européens, et notamment du Règlement Rome II, la loi applicable serait celle de survenance du dommage. Ainsi, pour toute victime française, la loi française pourrait trouver à s’appliquer.

Une question pourrait toutefois se poser sur la juridiction compétente. Effectivement, la victime serait nécessairement un tiers au contrat souscrit entre l’Union Européenne et les laboratoires pharmaceutiques.

Néanmoins, l’ensemble des termes du contrat souscrit ne sont pas communiqués, de sorte que, nous ignorons si des clauses exclusives de compétences ont été rédigées.

En définitive, l’insécurité juridique régnant autour du régime de responsabilité du fait des produits défectueux et les accords européens passés avec les laboratoires peuvent avoir un effet dissuasif à l’égard du justiciable. De nombreuses taches d’ombres étant présentes autour de ces accords européens.

En toute occurrence, celui-ci devra alors choisir entre un objectif de responsabilisation et de sanction (à long terme) ou une indemnisation dans des délais plus raisonnables.

Pauline FONLUPT.