CONFORMITE CONSTITUTIONNELLE DE LA NON DEDUCTIBILITE D’UNE PENSION ALIMENTAIRE

La séparation des époux ainsi que la fixation des modalités de la résidence des enfants mineurs du couple ont des répercussions sur les déclarations de revenus.

Il est communément admis le fait que lorsque la résidence des enfants a été fixée au domicile de l’un des deux parents, la pension que verse l’autre, pour leur entretien et leur éducation, peut être déduite par celui qui la verse et doit être déclarée comme revenus par celui qui la perçoit.

Mais qu’en est-il de l’hypothèse dans laquelle la résidence des enfants a été fixée de manière alternée au domicile de chacun des deux parents ?

Dans un arrêt du 24 février 2021 (CE, 9e et 10e ch., 24 févr. 2021, n° 447219 ; V. Non-déductibilité de la pension alimentaire versée par les parents d'enfants mineurs en résidence alternée en cas de divorce : renvoi d'une QPC), le Conseil d'État avait décidé de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 156, II, 2°, 2e alinéa du CGI (« Code Général des Impôts »).

Selon ce texte, sont déductibles de l'impôt sur le revenu les pensions alimentaires versées aux enfants mineurs en cas de divorce ou d'imposition séparée des parents, sauf lorsque ces enfants sont pris en compte pour la détermination du quotient familial.

Saisi d’une affaire dans laquelle il était question de l’application de cet article, le Conseil d’Etat a considéré que l’un des moyens qui lui était soumis soulevait une question présentant un caractère sérieux, permettant de saisir le Conseil Constitutionnel.

Selon ce moyen, ces dispositions porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes d'égalité devant la loi et les charges publiques lorsqu'elles s'appliquent aux parents d'enfants mineurs en résidence alternée en cas de séparation, de divorce, d'instance de séparation ou de divorce.

Par le biais d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (« QPC »), le Conseil d’Etat a saisi le Conseil Constitutionnel de la conformité de ces dispositions à la Constitution.

Dans une décision du 14 mai 2021, le Conseil constitutionnel a jugé ces dispositions conformes à la Constitution (https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-decisions/decision-n-2021-907-qpc-du-14-mai-2021-decision-de-renvoi-ce).

En premier lieu, il a en effet considéré que ce texte ne méconnaissait pas le principe d'égalité devant les charges publiques et ce pour les raisons suivantes :

- Le législateur a créé un équilibre parfait entre le refus de la déduction d'une pension lorsque le parent débiteur bénéficie déjà d'une part ou demi-part supplémentaire au titre du même enfant.

De cette manière, selon le Conseil Constitutionnel, le législateur a entendu éviter un cumul d'avantages fiscaux ayant le même objet.

- Si le parent qui a la charge partagée d'un enfant en résidence alternée ne peut pas, le cas échéant, déduire de ses revenus la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, il bénéficie, en tout état de cause, de la moitié de la majoration de quotient familial.

En outre, le Conseil Constitutionnel a considéré que ces dispositions ne violent pas le principe d'égalité devant la loi dans la mesure notamment où :

- en attribuant une majoration de quotient familial au parent ayant son enfant en résidence principale ou alternée sans lui permettre, le cas échéant, de déduire la pension alimentaire qu'il verse à l'autre parent, le législateur a établi une différence de traitement fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet de la loi.

Pour ce faire, le Conseil Constitutionnel rappelle que le législateur prend en compte la contribution d’un parent à l’entretien et l’éducation d’un enfant :

o soit par la déduction de ses revenus de la pension qu’il verse à l’autre parent lorsque l’enfant a sa résidence principale chez ce dernier, o soit par une majoration de son quotient familial quand il s’acquitte directement des dépenses nécessaires à l’entretien et à l’éducation de l’enfant qu’il accueille à son domicile de manière principale ou qu’il s’en acquitte directement pour moitié avec l’autre parent lorsqu’il accueille l’enfant de manière alternée.

- La vocation de la majoration de quotient familial et de la déduction d'une pension alimentaire n’est pas d’attribuer un avantage fiscal de nature à compenser parfaitement l'ensemble des dépenses engagées par un parent pour l'entretien et l'éducation d'un enfant.

Dès lors, il n’y a pas de rupture d’égalité devant la loi.

Par cette décision, le Conseil Constitutionnel permet donc de consacrer l’égalité voulu par le législateur lors de l’élaboration de l’article 156, II, 2°, 2e alinéa du CGI.

Cécile CREVANT