Action des professionnels contre les consommateurs : toujours deux ans pour agir ?

Tout dépend des besoins pour lesquels le contrat a été consenti…

L’article L218-2 du Code de la consommation dans sa version en vigueur au 1er juillet 2016, stipule que « l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

Il s’agit d’une disposition spéciale du Code de la consommation que l’on ne retrouve pas dans d’autres corpus de textes.

Le délai de droit commun de l’article 2224 du Code civil étant lui de cinq ans. Par conséquent, répondre à la question soulevée dans le titre revient à répondre à celle de l’applicabilité ou non du Code de la consommation au contrat litigieux.

L’article liminaire du Code de la consommation vient clarifier son champ d’application au travers de la qualité de ses protagonistes, mais pas uniquement :

« Pour l'application du présent code, on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;

- non-professionnel : toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles ;

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel. »

Il ressort des termes de cet article que le contrat sera assujetti au droit de la consommation s’il a été conclu entre un professionnel et un consommateur ou, à tout le moins, un non-professionnel. Mais encore faut-il que le consommateur, le cas échéant, n’ait pas signé le contrat pour les besoins de son activité professionnelle.

C’est ce que n’a pas manqué de rappeler la première chambre civile de la Cour de cassation dans son récent arrêt du 20 mai 2020 en précisant qu’un prêt consenti par un emprunteur pour son activité professionnelle rendait de ce fait le Code de la consommation applicable, partant la prescription biennale de l’action du prêteur, et ce quand bien même le co-emprunteur avait quant à lui conclu à titre purement personnel, en tant que simple consommateur. En l’espèce, un couple marié a conclu pour les besoins de l’activité professionnelle de l’époux, viticulteur, un prêt bancaire. L’épouse co-emprunteuse, totalement étrangère à cette activité et exerçant une profession distincte, n’a fait que contracter à titre de consommateur.

Toujours est-il que le contrat a été conclu pour et seulement pour l’activité viticole !

L’épouse, solidaire du remboursement du crédit et débitrice comme son mari auprès de la banque, a fait l’objet d’une saisie sur salaires suite à la survenance d’échéances impayées.

Pour contester la mesure d’exécution dont elle a fait l’objet, l’épouse a invoqué la prescription biennale à son égard en faisant valoir sa qualité de consommateur au prêt.

La Cour de cassation a rejeté cet argumentaire en faisant prévaloir l’activité professionnelle pour laquelle le contrat a été conclu sur la qualité de consommateur de l’un des co-emprunteurs.

Les conséquences juridiques résultant de la finalité du prêt sont ainsi opposables à l’ensemble des co-emprunteur indépendamment de la qualité sous laquelle ces derniers l’ont respectivement souscrit.