COVID-19 : Le preneur peut-il opposer à son bailleur la suspension voire l’exonération du paiement des loyers au regard de la situation actuelle ?

Le gouvernement a publié, le 25 Mars 2020 l’ordonnance relative au sort des loyers pour les petites entreprises. Cette Ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 entérine l’annonce des autorités quant à la suspension des loyers commerciaux et professionnels. Il sera souligné à titre préalable qu’il s’agit d’une simple suspension. C’est la raison pour laquelle, il importe d’anticiper le sort du locataire au terme de ce report. Mais aussi de s’intéresser, au sort des locataires qui sont exclus de cette mesure exceptionnelle.

Quels sont les locataires bénéficiaires de la suspension des loyers ?

Le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020, publié au journal officiel le 1er avril 2020, précise les catégories d'entreprises éligibles au bénéfice de l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars dernier.

L’article 4 permet à certaines personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique de ne pas encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 (entreprises en période d’observation) et L. 641-12 du Code de commerce (entreprises en liquidation judiciaire).

Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Les bénéficiaires de la suspension avec report du paiement des loyers sont spécifiées par le décret n° 2020-378 précité. Il s’agit des personnes physiques ou morales de droit privé qui répondent aux caractéristiques suivantes :

- Elles doivent avoir débuté leur activité avant le 1er février 2020 ;

- Leur effectif doit être inférieur ou égal à dix salariés, ce seuil étant calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du Code de la sécurité sociale ;

- Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos doit être inférieur à un million d'euros. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos d'exercice, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros.

- Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l'activité exercée, ne doit pas excéder 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n'ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d'exploitation et ramené sur douze mois.

- Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne doivent pas être titulaires, au 1er mars 2020, d'un contrat de travail à temps complet ou d'une pension de vieillesse et ne doivent pas avoir bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d'indemnités journalières de sécurité sociale d'un montant supérieur à 800 euros.

- Elles ne doivent pas être contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce.

- Lorsqu'elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d'affaires et des bénéfices des entités liées doivent respecter certains seuils.

- Elles pourront aussi bénéficier de subventions attribuées par décision du ministre de l'Action et des Comptes publics si elles remplissent les conditions suivantes :

o elles doivent avoir fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ; ou

o elles doivent subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 70 % durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020.

Pour les locataires en dehors du champ d’application de l’Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020.

Pour cette catégorie de locataires, il sera recommandé de : - solliciter des délais de paiement auprès des tribunaux lesquels apprécieront en fonction de chaque cas d’espèce (trésorerie…), si la négociation menée directement avec leur bailleur n’était pas fructueuse. - obtenir une décision de justice pour un report de dettes avant le terme d’une clause résolutoire. Le bailleur pourrait invoquer les effets d’une clause résolutoire emportant la fin du bail après une mise en demeure infructueuse. Voir les termes du bail.

Quelle est la période de report des loyers ?

La suspension des loyers vaut pour toute échéance entre le « 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire ».

Dès lors, si l’on se réfère aux dispositions de l’article 4 de l’ordonnance, le locataire ne s’acquittant pas de son loyer pour ladite période ne peut « encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions » pour cette raison.

En d’autres termes, la suspension ne s’applique pas aux loyers et charges dont l’échéance de paiement intervient avant le 13 mars 2020. Il sera relevé que la plupart des baux ont une échéance en début de mois, ce qui signifie que le loyer et les charges du mois de mars 2020 restent dus en pareil cas.

En définitive, il sera rappelé que les termes de l’ordonnance ont mis en place une simple suspension limitée à certains locataires pour une période précise.

Il n’est donc pas à exclure qu’après la période de suspension, le bailleur décide de reprendre les procédures de poursuite en visant le bénéfice d’une clause résolutoire pour impayé desdits loyers.

Sur ce point, le ministère de l’économie a fait savoir que « Lorsque l’activité reprendra, ces loyers et charges feront l’objet de différés de paiement ou d’étalements sans pénalité ni intérêts de retard et adaptés à la situation des entreprises en question. Le ministre de l'Economie a aussi demandé, aux bailleurs dans la possibilité de le faire, d'accepter les demandes de report de loyers des petites et moyennes entreprises. Si aucun compromis n'est trouvé et que la situation met l'entreprise en difficulté, il pourra être fait appel au médiateur des entreprises. Le Centre National des Centres commerciaux a d'ores et déjà donné son accord pour prendre à sa charge ces décalages de loyers.»