Le nouvel abus de dépendance économique

L’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 réformant le droit des contrats, entrée en vigueur le 1er octobre 2016 a institué à l’article 1143 du code civil, un vice de violence découlant de l’abus de dépendance dans lequel se trouve un cocontractant. Il y a une volonté du législateur de se rapprocher des autres droits européens, et de protéger les parties faibles au contrat.

L’abus de dépendance est assimilé au vice de violence de l’article 1140, appréhendé sous l’angle des vices du consentement. Deux conditions cumulatives sont à réunir afin de s’en prévaloir, un état de dépendance, entendu au sens large, c’est-à-dire qu’il n’est pas limité à l’état de dépendance économique, mais recouvre notamment la dépendance financière, technologique, ou psychologique. Ensuite, cet état de dépendance doit avoir pour conséquence que, le partenaire n’aurait pas souscrit en l’absence d’un telle contrainte, et l’autre partie doit en avoir retiré un « avantage manifestement excessif ». Les sanctions encourues sont la nullité du contrat et des dommages et intérêts devant le juge civil. Le champ d’application de cette disposition est large, il appréhende toutes les hypothèses de violence, tous les types de contrats, et également tous types de personnes quel que soit leur qualité. Cela permet ainsi la protection des personnes vulnérables, et non plus seulement des entreprises.

Il existe également deux dispositions du code de commerce qui appréhendent l’abus de dépendance économique, l’article L420-2-2 dont une proposition de loi en cours vise à mieux définir l’abus de dépendance économique, et l’article L442-6. Ces dispositions ont un champ d’application plus réduit puisqu’elles concernent uniquement les contrats de commerce. L’article L420-2-2 dans sa rédaction modifiée, comporterait également deux conditions cumulatives, la preuve de la dépendance, entendue comme « la rupture des relations commerciales entre le fournisseur et le distributeur risquerait de compromettre le maintien de son activité » et « le fournisseur ne dispose pas de solution de remplacement aux dites relations commerciales, susceptibles d’être mises en œuvre dans un délai raisonnable ». Ainsi que la preuve que l’abus est susceptible d’affecter la concurrence, à court ou moyen terme. L’article L442-6 incrimine le fait pour un producteur, commerçant ou industriel « d’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire, ou de sa puissance d’achat ou de vente, en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ». Ces deux dispositions propres aux contrats de commerce permettent, de la même manière, d’obtenir la nullité du contrat et des dommages et intérêts. Mais, également, de saisir l’Autorité de la Concurrence qui pourra infliger de fortes amendes.

Il est nécessaire de voir maintenant comment la pratique va s’emparer de ce nouvel article 1143 du Code civil, et articuler ces trois régimes entre eux.