Cession du fonds de commerce : le respect de la clause d’agrément prévue dans le bail commercial par le liquidateur.

Il convient de savoir, en premier lieu, que la cession d’un fonds de commerce consiste tout à la fois en la vente des éléments corporels et incorporels constituant le fonds et détenue par la société. Les éléments corporels sont tous les éléments matériels dont dispose la société à savoir les machines, le mobilier, les outils, véhicules et marchandises, lesquelles doivent faire l’objet d’un inventaire estimatif et détaillé et les éléments incorporels correspondent aux éléments immatériels permettant à la société d’exister aux yeux des clients et des tiers, à savoir l’enseigne, le nom commercial, les contrats de travail, les contrats en cours, les brevets, logiciels mais encore le bail commercial.

A ce titre, le bail commercial est un contrat de location de locaux destiné à l’exploitation d’un fonds de commerce. Il est idoine au maintien de la société et prévoit très généralement une clause d’agrément au profit du bailleur. Ainsi, pour que la cession du fonds de commerce puisse être effective, l’accord du bailleur doit être sollicité en amont.

Dans le cadre d’une vente d’un fonds de commerce après ouverture d’une liquidation judiciaire, le liquidateur désigné par le Tribunal de commerce compétent n’échappe pas à certaines obligations.

La haute juridiction a rendu un arrêt le 19 avril 2023 n°21-20655 (Arrêt de cassation du 19 avril 2023 n°21-20655 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047482941?init=true&page=1&query=+21-20.655+&searchField=ALL&tab_selection=all ), dans lequel elle a pu affirmer que la clause d’agrément prévue dans le bail commercial devait être respectée par le liquidateur, la cession du fonds autorisée par le juge-commissaire n’altérant pas la force obligatoire de ladite clause et ce, que la cession soit isolée ou incluse dans la cession du fonds de commerce.

En l’espèce, une SCI avait consenti un bail commercial à une autre société, laquelle a fait l’objet d’un redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par la suite.

Après avoir pris connaissance de la liquidation judiciaire, la bailleresse a délivré au liquidateur judiciaire désigné un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d’ouverture, puis, a sollicité par requête la résiliation du bail commercial.

Au visa de l’article L 642-19 du Code de commerce lequel dispose que :

« Le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l'article L. 322-2 ou aux articles L. 322-4 ou L. 322-7.

Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu'il a fixées ont été respectées ».

Le liquidateur judiciaire a saisi le juge commissaire et ce, afin que la cession de gré à gré du fonds de commerce, incluant le bail commercial soit autorisée.

Eu égard à l’opposition formée par la bailleresse, le juge commissaire a accueilli favorablement cette demande, raison pour laquelle la bailleresse a interjeté appel en soutenant que la requête en résiliation interdisait toute cession du bail et que la cession ne pouvait intervenir dès lors qu’une clause prévue au bail conditionnait la cession à l’agrément du bailleur.

Le 3 juin 2021, la Cour d’appel de Paris a déclaré irrecevable la demande de la SCI dès lors qu’elle a considéré que la clause d’agrément ne s’appliquait qu’en cas de cession du bail seul et non du fonds de commerce.

La bailleresse s’est ainsi pourvue en Cassation.

C’est ainsi que la Cour de Cassation a censuré la décision rendue par la Cour d’appel en considérant que :

« 11. Il résulte (…) qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur ».

Ainsi elle a rappelé que toutes les clauses du bail commercial devaient s’appliquer.

Dans un arrêt rendu le 21 avril 2022 la haute juridiction soulignait déjà l’importance du respect d’une telle clause pour la cession du fonds de commerce hors procédure collective.

L’arrêt du 19 avril 2023 ne fait donc qu’étendre ce principe aux cessions dans le cadre d’une procédure collective et confirmer sa position favorable au bailleur.

Alicia COLLOT