La pertinence des deux nouveaux modes de résolution amiable de litiges, l’audience amiable et la césure de procès

Dans un article paru le 29 juillet 2023, c’est à juste titre qu’Etienne Vergès, Professeur à l’Université Grenoble Alpes, qualifie ces deux nouvelles procédures de moyens au service de la « politique de l’amiable » .

En effet, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 consacre l’audience de règlement amiable (nouvel article C. civ., 774-1 s.) et la césure de procès (C.pr. civ., nouv. Art. 807-1 s.), après de nombreuses tentatives qui sont restées relativement infructueuses, jusqu’à l’adoption du décret du 29 juillet 2023.

Le professeur Vergès note, à ce titre, que les mesures prises au fil du temps « n’ont pas suffi à convaincre les parties et leurs conseils de se lancer massivement dans les procédures amiables » . Les procédures amiables, essentielles au désengorgement tant attendu des tribunaux, et mises en œuvre au fil des années, n’ont pas abouti à un consensus sur la question, entre les différents acteurs du droit.

Ceci étant dit, l’audience de règlement amiable (ARA), d’une part, a permis une réelle évolution dans la mesure où le ministère s’est tourné vers les magistrats, afin de les encourager à embrasser pleinement leur rôle de conciliateur.

Cette mission sera donc répartie entre deux magistrats : le juge chargé de trancher le litige, et le juge de l’audience du règlement amiable en elle-même, faisant naître ainsi une division claire des missions des deux juges. En effet, l’une consiste à trancher le litige, alors que l’autre implique le fait de concilier les parties.

D’autre part, la procédure de césure a, quant à elle, permit de distinguer, au sein d’un même litige, la partie qui relèverait du contentieux, et celle qui relèverait du règlement amiable des litiges. Ce mécanisme permet de procéder par deux étapes et trancher une partie du litige tout en recherchant une solution amiable pour les conséquences du litige tranché.

En dépit de ces avancées notables, plusieurs zones d’ombres persistent.

Pour l’audience de règlement amiable, le texte reste ambigu, puisqu’il ne permet pas de distinguer clairement la résolution amiable et le droit applicable, en sachant que l’amiable peut conduire à minimiser certaines règles juridiques, voire à les exclure tout simplement.

Par ailleurs, si le caractère obligatoire est bien plus marqué pour l’audience de règlement amiable, dans l’éventualité où une partie s’y opposerait, l’audience ne pourrait pas être prolongée. La question se pose également pour le pouvoir d’instruction du juge chargé de l’audience de règlement amiable, puisque le texte reste vague sur la question.

Enfin, et en ce qui concerne la césure de procès, les dispositions qui la concernent se trouvent désormais dans la section relative à la clôture de l’instruction, indiquant ainsi qu’elle n’est applicable que dans la procédure écrite ordinaire. La décision de la césure est prise par le juge de la mise en état, si les parties réussissent à parvenir à un accord, ce qui signifie que le litige est bien scindé en deux parties, l’une prenant fin avec l’achèvement de la mise en état, et l’autre se poursuivant devant les juridictions.

La difficulté qui se pose tient notamment au temps d’attente dans cette mise en état. L’affaire clôturée pour une partie du litige, doit être plaidée, puis jugée, laissant subsister un doute quant à la durée de cette mise en état. En outre, le décret ne prévoit aucune interruption d’instance, et les parties risquent ainsi de se voir confrontées à une péremption d’instance.

Néanmoins, le législateur ne s’est pas limité à une telle incohérence, puisque les parties peuvent réaliser les diligences au cours d’une autre instance, sans interrompre la péremption de la première instance.

Seul le temps pourra nous dire si les nouvelles procédures réussiront à porter leurs fruits. Dans la pratique, et tel le souligne Maître Jean-François Carlot, les justiciables risquent d’avoir du mal à distinguer le rôle du magistrat professionnel, par rapport à celui du tribunal saisi . Enfin, il rajoute, justement que « le succès de tout mode amiable résulte avant tout de la volonté libre des parties d’y participer » .

Reste à savoir quelle sera l’appréhension de ces nouveaux mécanismes par les différents acteurs du droit.

En outre, une interrogation subsiste : quelles pourraient être les conséquences de ces nouveaux modes de règlements de litiges, sur le droit en lui-même ? Si ces procédures permettent de s’écarter quelque peu du droit en vigueur, rappelons-nous qu’ « une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi […] mais elle est loi parce qu’elle est juste » .

Enfin, et sans trop nous avancer sur la question, il existe des raisons concrètes de croire qu’une mise en œuvre effective de ces procédures pourrait avoir des effets particulièrement positifs, non seulement sur certains types de litiges, mais également sur le fonctionnement des tribunaux et donc du système judiciaire français, dans son entièreté.

Elena GRUJICIC