Confinement des propriétaires d’équidés : peut-on sortir s’occuper de son cheval de la même façon que l’on sort promener son animal de compagnie depuis les mesures de restriction ?

Le dispositif de lutte contre l’épidémie du COVID-19 mis en place par le Gouvernement au mois de mars 2020 ne loge pas les propriétaires de chevaux à la même enseigne que les détenteurs d’animaux de compagnie.

En période normale, s’occuper d’un cheval implique déjà des contraintes supplémentaires en termes d’espace, de structure et de soins.

La période de confinement ne fait qu’accentuer ces disparités du point de vue des droits des propriétaires n’ayant pas la chance d’accueillir leurs équidés sur le terrain même de leur habitation et de pouvoir ainsi les monter dans un cadre totalement privé.

Et pour cause, le statut juridique auquel le cheval est soumis et l’espace foncier que sa détention implique prennent une toute autre dimension durant le confinement.

En dépit d’une évolution significative du rapport humain au cheval conduisant de nombreux propriétaires à les considérer de nos jours comme un membre à part entière de leur famille, le cheval relève encore du statut de l’animal de rente destiné à la production de denrées alimentaires, c’est à dire à la consommation de l’homme et non à son agrément.

Aussi, malgré toutes les activités très éloignées de l’élevage que l’on peut désormais pratiquer avec son cheval, cet animal n’est toujours pas considéré aux yeux du législateur comme un animal de compagnie au sens de l’article L214-6 du Code rural et de la pêche maritime qui désigne sous cette qualité « tout animal détenu ou destiné à être détenu par l'homme pour son agrément. »

Ceci a pour conséquence de rendre inapplicable aux propriétaires de chevaux la faculté de déplacement offerte pendant le confinement par l’article 3 du Décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 pour satisfaire aux besoins des animaux de compagnie.

Ces derniers ne peuvent pas non plus se retrancher derrière la pratique tolérée d’une activité physique individuelle dès lors que dans la grande majorité des cas, l’équitation se pratique dans un centre équestre ou une écurie de propriétaires.

Ces établissements recevant habituellement du public sont en effet frappés d’une interdiction d’ouverture totale au public pendant la période de confinement à l’exclusion du gérant et de ses salariés.

Les propriétaires devront donc laisser aux bons soins du personnel de l’établissement leurs équidés, ce dernier ne pouvant voir sa responsabilité contractuelle engagée pour avoir refusé l’accès à sa structure.

L’établissement n’est toutefois nullement exonéré de son obligation de garde des équidés et devra ainsi répondre des manquements dans les soins qu’il aurait dû leur prodiguer (ravitaillement en eau et nourriture, sortie au pré, entretien des sabots, administration de traitements médicamenteux).

Qu’en est-il alors des chevaux situés sur une parcelle privée éloignée du domicile du propriétaire ?

Rappelons que l’autorisation de déplacement est conditionnée à sa brièveté dans le temps et dans l’espace à raison d'une heure quotidienne et dans un rayon maximal d'un kilomètre autour du domicile.

Il s’agit d’un cadre difficilement compatible avec la garde d’un équidé mettant ainsi son propriétaire face à un dilemme entre le strict respect de la loi et la nécessité de répondre aux besoins physiologiques de l’animal lorsqu’aucun individu situé à proximité immédiate de la parcelle n’est susceptible de lui venir en aide.

Le propriétaire pourrait être amené à justifier son déplacement sur le fondement de l’article 122-7 du Code pénal au titre de la sauvegarde du bien que constitue l’équidé.

Il convient toutefois de garder à l’esprit qu’en l’état des restrictions, de nombreux propriétaires, tentés de cocher la case 5 de l’attestation de déplacement réservée aux besoins de l’animal de compagnie pour satisfaire aux besoins de leurs chevaux, ont déjà été verbalisés.

Des assouplissements de la part du législateur pour élargir le champ d’application de cette dérogation sont donc vivement attendus, à moins que la solution réside finalement dans l’aménagement du statut juridique du cheval pour lui donner la place qui lui revient au sein de la société française.

Cette situation sanitaire inédite semble avoir mis en exergue la désuétude de certains textes de loi restée, jusqu’ici relativement silencieuse.

Saisissons-nous donc de la crise du coronavirus comme d’un prisme de lecture des besoins de la société en matière d’évolution législative.

Tel est l’enseignement déjà tiré par le Professeur Carl Gustav Jung au tournant du 19ème siècle : « Les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d'indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. »