La présomption de démission

Attendu, espéré, redouté,…

Le Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d'abandon de poste volontaire du salarié est venu a été publié au Journal Officiel.

A l’heure où les réflexions et les analyses sur les nouveaux modes d’organisation du travail n’ont jamais été aussi nombreux, voilà qu’entre donc en vigueur la présomption de démission qui constitue une rupture majeure avec le système en vigueur jusqu’à présent.

Les employeurs, les salariés, les praticiens, avaient recours à l’abandon de poste pour justifier de licenciement pour faute grave ouvrant droit pour les salariés à l’allocation chômage.

La philosophie est désormais inversée.

Les salariés abandonnant leur poste de travail se verront, sauf exception, privés du droit à l'assurance chômage.

Pour cela, certaines conditions doivent être réunies :

  • Le salarié doit avoir volontairement et sans justification, abandonné son poste de travail ;
  • Le salarié mis en demeure à cette fin, ne reprend pas son poste

La mise en demeure, qui va sans aucun doute susciter une abondante jurisprudence, doit enjoindre le salarié à justifier son absence et à reprendre son poste dans un délai de 15 jours minimum. Elle doit être transmise par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Le délai de 15 jours minimum est décompté en jours calendaires, et court à compter de la première présentation de la mise en demeure.

D’ores et déjà, il est recommandé aux employeurs de bien informer les salariés sur les conséquences de sa non reprise en terme de rupture de contrat et de non ouverture à l’allocation chômage.

En effet, sans nul doute que les Conseils de Prud’hommes seront attentifs à la bonne information des salariés.

A réception de la mise en demeure, le salarié s’il entend se prévaloir d'un motif légitime faisant obstacle à la présomption de démission, devra le notifier à son employeur.

Si le texte ne prévoit aucun formalisme, le parallélisme des formes militent activement pour une notification également par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.

Le décret fixe une liste non exhaustive d’exceptions qui sont les suivantes :

  • raisons médicales ; exercice du droit de retrait ; exercice du droit de grève ; refus d'exécuter une instruction contraire à une réglementation ; modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

Face aux interrogations provoquées par le nouveau dispositif, le ministère du Travail a publié le 18 avril 2023 un questions-réponses aux termes duquel des précisions ont été apportées.

https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-rupture-du-contrat-de-travail/article/questions-reponses-presomption-de-demission-en-cas-d-abandon-de-poste

Plusieurs points peuvent être relevés.

Si l’employeur n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute, cette dernière procédure n’est pas pour autant exclue. Mais le ministère affirme que la présomption de démission « se substitue à la procédure de licenciement disciplinaire ».

A l’inverse, l’employeur qui entend conserver son salarié dans ses effectifs est libre de ne pas mettre en demeure son salarié et donc de ne pas utiliser la présomption de démission. Dans cette hypothèse, le salarié n’est pas rémunéré pendant la période non travaillée et son contrat de travail est suspendu.

Concernant les exclusions de nature médicale, le ministère du Travail considère que la procédure de présomption de démission ne trouvera pas à s’appliquer si l’absence du salarié est justifiée par son état de santé et qu’il s’est absenté pour consulter un médecin qui lui a prescrit un arrêt de travail pour le jour même. Le salarié devra fournir dans ce cas le certificat médical daté du jour de son abandon de poste.

Il est également précisé que si le salarié ne répond pas à la mise en demeure et ne reprend pas le travail au plus tard à la date fixée par l’employeur, il sera présumé démissionnaire. La démission du salarié sera constatée à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur.

Si le salarié répond à la mise en demeure de son employeur qu’il ne reprendra pas son travail dans l’entreprise, il sera également considéré comme démissionnaire à la date ultime de reprise du travail fixée par l’employeur.

Sur les conséquences, comme pour n’importe quelle démission, l’employeur est tenu de remettre au salarié ses documents de fin de contrat :

  • Certificat de travail ;
  • Reçu pour solde de tout compte ;
  • Attestation d’assurance chômage.

L’employeur donc doit mentionner comme type de rupture du contrat « Démission ».

Le ministère a également rappelé quels sont les recours dont dispose le salarié qui estimerait que l’application de la présomption de démission est infondée.

Le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour contester l’application de la présomption de démission. Dans ce cas, l’affaire est portée directement devant le bureau de jugement. Les juges disposeront alors d’un mois pour statuer au fond sur cette affaire.

Le décret marque ainsi une véritable rupture avec la pratique en vigueur jusqu’à présent.

Olivier COSTA Avocat Associé