Rétractation de l'offre de renouvellement d'un bail commercial : point de départ de la prescription.

Cass. 3e civ. 9-11-2017 n° 16-23.120 FS-PBI, Sté Chouchou c/ Sté Compagnie foncière Alpha

Le délai de prescription de l’action en rétractation de l’offre de renouvellement d'un bail commercial pour motif grave et légitime court du jour où le bailleur a eu connaissance de l’infraction invoquée à l'appui de son refus et non du jour où il a délivré le congé. Un bailleur de locaux commerciaux délivre à son locataire un congé avec offre de renouvellement. Quatre ans après, alors que la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé est encore en cours, il découvre que le locataire ne respecte pas la destination du bail. Un an plus tard, il se prévaut de ce motif grave et légitime pour rétracter son offre et refuser le renouvellement sans indemnité d'éviction. Le locataire soutient alors que cette action est prescrite car exercée plus de deux ans après la délivrance du congé.

La Cour de cassation vient au contraire de juger que cette action n'est pas prescrite car le délai de prescription de l'action en rétractation court à compter du jour où le bailleur a eu connaissance de l’infraction qui fonde son refus.

à noter : 1° Le bailleur de locaux commerciaux qui a délivré un congé avec offre de renouvellement ou qui a refusé le renouvellement mais offert une indemnité d’éviction dispose d'une faculté de rétractation : il peut revenir sur sa décision et refuser le renouvellement sans indemnité s'il établit l'existence d'un motif grave et légitime (jurisprudence constante). A cette fin, il peut se prévaloir de toutes les infractions au bail, qu'il s'agisse ou non de motifs propres au statut des baux commerciaux (Cass. 3e civ. 24-1-1996 n° 93-21.336 D : RJDA 4/96 n° 470). Le motif invoqué doit néanmoins avoir été inconnu du bailleur au moment où il a proposé ou accepté le renouvellement, ou être né après (notamment, Cass. 3e civ. 1-3-1995 n° 93-16.105 D : RJDA 5/95 n° 553). Bien entendu, la faculté de rétractation disparaît lorsque la procédure en fixation du loyer du bail renouvelé ou de l'indemnité d'éviction est achevée et que le bail est définitivement renouvelé ou éteint. La Cour de cassation se prononce ici, pour la première fois, sur le point de départ du délai de prescription de l'action en rétractation. Elle retient le moment où le bailleur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'agir, ce qui n'est qu'une application du droit commun (C. civ. art. 2224). Il est vrai que la procédure de fixation du loyer, ou de l’indemnité d’éviction selon le cas, peut être longue, si bien que fixer le point de départ du délai de prescription à la date de délivrance du congé pourrait conduire à priver le bailleur de la possibilité de se prévaloir des infractions commises en cours de procédure.2° La Cour de cassation n'a pas tranché la question du délai de prescription applicable : délai quinquennal de droit commun ou délai biennal de l'article L 145-60 du Code de commerce prévu pour les actions nées du statut des baux commerciaux. En l'espèce, la réponse à cette question était sans incidence sur la solution puisque, quel que soit le délai retenu, l'action n'était pas prescrite au regard du point de départ retenu. On peut raisonnablement penser qu'il s'agit du délai biennal car la possibilité pour le bailleur de rétracter une offre de renouvellement du bail ou de paiement d'une indemnité d’éviction est un mécanisme résultant directement de l’application du statut des baux commerciaux, même s’il n’est pas expressément prévu par un texte.

© Editions Francis Lefebvre 2017