25 Février 2004, Lyon Infocité

Maître BISMUTH participe à la Table Ronde Lyon Infocité sur les Logiciels Libres
Le mardi 25 février 2004 s'est tenue la première table ronde rhône-alpines sur le sujet pour le moins à la mode des “ logiciels libres ”. A l'initiative de l'association Lyon Infocité et en partenariat avec l'Espace Numérique Entreprise, les locaux de la “ Villa créatis ” a accueilli environ 200 professionnels de la région, tous réunis autour d'une même préoccupation : Clarifier les enjeux, les risques et les opportunités liés à ces logiciels. Parmi les intervenants on pouvait compter Pierre Alain Muet Adjoint au Maire de Lyon et Vice-président de la Communauté Urbaine de Lyon ; Gérard CLAVERIE, Vice président du SYNTEC Informatique ; Jean François DONIKIAn, Fondateur et dirigeant de StaXper ; ainsi que le PDG de BOTANIC.

Maître Yves BISMUTHétait invité à cette conférence en tant que juriste dans le cadre de deux questions : Les logiciels libres dans les collectivités locales : où et pourquoi faire ? Les logiciels libres en entreprises : y aller ou non ? L'objectif était avant tout de déterminer le cadre juridique applicable au logiciel libre afin de brosser un rapide tableau des risques quant à leur utilisation. Comme souvent le rôle du juriste fut ici de mettre en garde les acteurs économiques quant aux implications de choix technologiques dont ils ne voient bien souvent que les pendants financiers et fonctionnels ! Or, la conjoncture économique actuelle n'est pas à la croissance. Dans cette période d'assainissement des finances des sociétés, de réductions des coûts, conséquence une phase de surinvestissement, le logiciel libre apparaît comme une solution séduisante. Les professionnels présents étaient d'ailleurs là pour venter les mérites de ces programmes et non pour les décrier.

Tout d'abord parce que le logiciel libre est bien souvent d'un coût réduit en comparaison d'une solution commerciale. Son usage, son étude, sa modification, son amélioration, sa diffusion sont libres, c'est à dire qu'elle ne requière pas l'autorisation de l'auteur. Pour autant une activité commerciale peut se développer autour : les prestations de services, de maintenance, d'intégration, de formation, de documentation etc. peuvent faire l'objet d'une rémunération. Il faut donc bien traduire “ free software ” par logiciel libre et non par logiciel gratuit.

Ensuite le principe même du modèle open source veut que le code source soit transmis avec chaque copie du logiciel. L'objectif est que la création de chacun puisse être commentée, corrigée, améliorée par tous de façon transparente afin que les connaissances d'un membre de la communauté puisse bénéficier à tous. Ce mode de développement coopératif continu permet d'obtenir des produits alliant fiabilité, fonctionnalité, sécurité, évolutivité, pérennité. D'un côté, tant d'avantages techniques, de l'autre le droit. Dès lors, la première et peut-être la seule des affirmations à apporter ici est que le logiciel libre n'existe pas ! D'un point de vue juridique il ne correspond pas à une qualification spécifique. Il s'agit d'un programme protégeables comme tous par le droit d'auteur sous condition d'originalité. Ce qui le singularise sans doute est le contrat qui lui est attaché puisqu'il prend le contre-pied du copyright et du droit d'auteur. Dans un monde de la propriété intellectuelle où tout est interdit sauf ce qui est autorisé, la licence open source vient nous dire : tout est autorisé sauf le fait d'interdire.
La plus connue des licences est la GNU GPL ou General Public Licence, qualifiée de “ copyleft ” pour marquer son opposition au copyright (mais lui est d'origine légale). Elle vise à protéger le logiciel contre toute appropriation et favoriser la propagation du modèle libre en imposant que les améliorations soient diffusées sous GPL.
Le logiciel libre apparaît donc, ni plus ni moins que comme un logiciel soumis à un contrat particulier dont la logique même va souvent heurter le droit français puisque le mode de développement très particulier précédemment décrit empreinte des caractéristiques à la qualification d'œuvre collective mais tout autant à celle d'œuvre de collaboration sous certains aspects, et correspond, aux yeux de nombreux auteurs, à la définition même de l'œuvre dérivée.

Aucune de ces qualifications ne convient réellement faisant des licences libres des “ objets de droit non identifiés ”. Du fait de la variété des licences libres et des modes de développement de ces logiciels, il est probable que leur nature juridique réelle variera au cas par cas, laissant l'utilisateur et le développeur dans une grande insécurité justifiée par un risque permanent de devenir ou de se découvrir contrefacteur.
Or, les professionnels et responsables présents ont su montrer l'importance et le caractère critique du rôle joué par les applications “ open source ” dans de grandes entreprises, dans des ministères ou certaines collectivités locales. Ils ont clairement affiché leur volonté de ne pas attendre le droit pour avancer dans cette voie, celui-ci devant, selon eux, suivre les évolutions et s'y adapter. Il est vrai que de nombreux mécanismes juridiques sont issus de la pratique des affaires et ont été validés par la jurisprudence puis par le législateur. Bien loin de dénigrer les avantages du logiciel libre, il nous faut parvenir à trouver des solutions afin de profiter de ses qualités en toute sécurité juridique. Il serait en effet paradoxal de se voir accusé de contrefaçon alors même que l'un des avantages des logiciels libres est d'éviter le risque de la contrefaçon au sein des entreprises, en particulier du fait de dépassements des droits octroyés dans les licences multipostes des logiciels commerciaux.