Responsabilité des produits défectueux appliquée au processus de vinification : rappel des principes légaux.

Par un arrêt en date du 9 décembre 2020, arret du 9 décembre 2020la première chambre civile de la Cour de cassation est revenue sur les conditions d’application du régime de responsabilité des produits défectueux. Il a notamment été décidé que les produits chimiques utilisés dans le traitement du vin entrainant son altération, sont jugés défectueux au sens des dispositions légales alors même que la consommation de ce vin n’est pas dangereuse.

Dans les faits soumis à la Cour, un domaine viticole avait confié à un sous-traitant, la filtration, le dégazage et l’électrodialyse de l’ensemble de ses vins millésimés 2014. Pour la préparation de d’électrodialyse, cette dernière société a également fait appel à un autre sous-traitant. Celui-ci aurait utilisé de l’acide nitrique et de la lessive de soude pour sa préparation.

A l’issue du processus de vinification, une pollution des vins a été décelée et provenait justement de la présence d’acide nitrique et lessive de soude. Cela provoquait des désordres organoleptiques (affectant l’organe des sens). Le domaine viticole a donc assigné en responsabilité du fait des produits défectueux le producteur et le vendeur des produits utilisés pour le traitement du vin.

La Cour d’appel a retenu que la preuve de la défectuosité des produits ne pouvait être rapportée dans la mesure où aucun danger anormal et excessif caractérisant un défaut de sécurité n’était établi. En effet, même si l’altération du goût du vin était constatée, il était indiqué que les produits litigieux présents dans celui-ci ne sauraient être caractérisés de défectueux dès lors que la pollution des vins n’est pas de nature à nuire à la santé des consommateurs ni à leur intégrité.

Pour rappel, l’article 1245-1 du Code civil précise le domaine d’application du régime de responsabilité des produits défectueux en disposant que : « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne. Elles s'appliquent également à la réparation du dommage supérieur à un montant déterminé par décret, qui résulte d'une atteinte à un bien autre que le produit défectueux lui-même. » Un pourvoi en cassation était alors formé, rappelant qu’un produit est caractérisé de défectueux dès lors qu’il n’offre pas, à l’égard des personnes ou des biens, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Or, il n’avait nullement été examiné si les produits litigieux offraient, pour le vin traité avec les machines nettoyés avec ces produits, la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre.

Finalement, la Cour de cassation cassera l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon, aux motifs que, dans l’appréciation de la défectuosité d’un produit, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu. Cela n’ayant pas été examiné, la responsabilité du fait des produits défectueux ne pouvait être écartée.

La Cour de Cassation a finalement appliqué avec rigueur les dispositions du Code civil tenant au régime de responsabilité des produits défectueux.

Régime de responsabilité contraignant pas ses conditions multiples et restrictives, il convient toutefois d’y voir une protection étendue des consommateurs en ce que la sécurité du produit doit être évaluée tant dans sa composition que dans l’usage, en amont et a posteriori, qui peut en être fait. Une bonne nouvelle pour les amateurs de vins !

Pauline FONLUPT.